![]() Philippe Pinta, président de l'Agpb au Sommet du Végétal à Evreux en février dernier. (© Terre-net Média) |
Ce cas de figure, qui a peu de chance d’être retenu, montre avant tout l’importance des choix qui seront opérés les 24 et 25 juin prochains, sur les possibilités laissées aux Etats membres pour mettre en œuvre la Pac après 2015.
Mais à moins de quinze jours du dernier round des négociations à Luxembourg entre le Conseil, le Parlement et la Commission européens, Philippe Pinta, président d’Agpb note que la France s’est néanmoins dotée, durant les trilogues en cours, des moyens pour que la Pac n’ait plus de sens pour ses céréaliers.
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« Toutes les redistributions sont légitimes », reconnaît le président de l’Agpb, « mais les céréaliers ne peuvent pas être la variable d’ajustement de la politique de redéploiement envisagée par le gouvernement français » en faveur des éleveurs et des agriculteurs en zones défavorisées.
Si la France opte au final pour un dispositif alternatif avec par exemple un taux de subsidiarité limité à 52 % (1), l’Agpb estime que le paiement de base serait de 50 €/ha au niveau national, sur les 27 millions d’hectare de la Sau.
Pour une exploitation de 150 ha qui touchait en moyenne 293 €/ha d’aides directes (moyenne nationale), l’aide perçue pour les 50 premiers hectares (avec une surprime de 30 %), serait de 283 €/ha et de 132 €/ha pour les suivants. Au total, l’exploitation toucherait 182 €/ha sur les 150 hectares de Sau, soit 111 €/ha de moins (sans pénalité appliquée au verdissement de 82 €/ha – cf diagramme). « Or à 150 €/t de blé, il n’y a plus de revenu », note l’Agpb.
La perte par hectare serait d’autant plus brutale que le Dpu moyen de l’exploitation est élevé. Toujours selon l’Agpb, un scopeur doté d’un droit à paiement unique moyen de 350 €/ha perdrait entre 158 €/ha et 163 €/ha de 2015 à 2020 dans l’hypothèse d’une convergence partielle qui serait en fait supportée dès la première année de mise en œuvre de la Pac réformée.
Pour un céréalier doté d’un Dpu moyen par hectare de 250 €, la perte serait réduite à 68 €/ha en 2020 au terme de la convergence partielle opérée dès 2014.
En fait, ce n’est pas tant la baisse attendue des aides qui inquiète en soit les céréaliers de l’Agpb mais plutôt l’écart de compétitivité qu’elle pourrait générée avec les céréaliers européens. Leur gouvernement pourrait en effet adopter un niveau de subsidiarité de leurs crédits moins important qui conduirait à des soutiens du premier pilier plus distorsifs. Actuellement de 40 €/ha entre la France et l’Allemagne, l’Agpb n’exclut pas un écart de 65 € en défaveur des céréaliers français sur la base d’un recouplage de 15 % et d’un transfert de 5 % vers les zones défavorisées. Un écart d’autant plus important que le taux de subsidiarité qui serait retenu en France serait élevé. En se référant à l’exemple précédent qui intègre la majoration des 50 premiers hectares, les céréaliers français pourraient toucher jusqu’à 113 €/ha en moins pour les seules aides du premier pilier (295 €/ha -182 €/ha).
« La majoration des 50 premiers hectares est une fausse bonne idée »
La position syndicale affichée par l’Agpb tranche avec celle de la Fnsea. Ne pouvant raisonner par filière, le syndicat souhaite aborder les enjeux de la réforme de la Pac et de la redistribution des aides à l’échelle des exploitations. Pour l’agriculteur, « ce qui compte est ce qu’il percevra au final en plus ou en moins par rapport à la situation actuelle », soutient Xavier Beulin, président du syndicat. Aussi, il souhaite, une transition par étape pour la mise en œuvre de la Pac réformée après 2014.
La convergence partielle de 50 % et l’instauration des paiements « verts » doivent être progressives et étalées sur 6 ans. « On veut en fait un lien entre verdissement, recouplage et convergence », défend Xavier Beulin « pour permettre aux exploitations agricoles de s’adapter aux nouvelles règles de la Pac. Car au final, c’est le revenu des agriculteurs qui est en jeu puisqu’il repose pour moitié sur les soutiens publics ».
La Fnsea sera en fait très vigilante sur l’Ocm unique et sur les outils qu’elle disposera car l’agriculture doit avoir les moyens de gérer les crises. « Ce sont les prix qui font les revenus, pas les aides. C’est pourquoi le ministre de l’Agriculture ne gérera pas ce problème en les redéployant ».
Aussi, « le syndicat majoritaire considère que la majoration des 50 premiers hectares est une fausse bonne idée ». A ce jour, ce sont les éleveurs laitiers qui ont les aides à l’hectare les plus élevées. Aussi, il est fort probable qu’ils soient au final les principaux perdants d’un redéploiement qui se donne pourtant comme objectif de favoriser l’emploi et l’élevage. En effet, même majorées, les aides après 2014 seront plus faibles que celles actuellement versées. Et il est difficile d’imaginer, toujours selon la Fnsea, qu’un éventuel recouplage des aides avec la création d’une prime à la vache laitière compense le manque à gagner des producteurs.