Jérémy Decerle, président de Jeunes agriculteurs, Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, Bernard Lannes, président de la Coordination rurale, Jean Mouzat, président du modef et Laurent Pinatel, porte-parole de la Confédération paysanne, étaient réunis mercredi 19 décembre 2018 pour le grand débat national des élections chambres d'agriculture, organisé par l'Afja, l'association française des journalistes de l'agriculture et de l'alimentation. (©Terre-net Média)
C’est un débat en cinq actes qui s’est déroulé mercredi 19 décembre 2018 dans les locaux de l’interprofession laitière. Dans le cadre de la campagne électorale pour le scrutin, en janvier 2019, des chambres d’agriculture, les cinq leaders syndicaux étaient réunis à l’iniative de l’ Afja (Association française des journalistes de l’agriculture et de l’alimentation) pour défendre leurs points de vue sur quatre dossiers ou sujets d’actualité importants :
- le rôle et les missions des chambres d’agriculture pour la prochaine mandature ;
- les dispositions législatives de la loi Alimentation pour un meilleur revenu des agriculteurs ;
- la réforme de la Pac en cours de discussion ;
- le rythme imposé par Emmanuel Macron en matière de transition écologique ;
- la montée de l'agribashing et la distance croissante entre monde agricole et citoyens.
Dans un débat plus consensuel que ne l’attendait l’auditoire, les leaders syndicaux ont davantage affiché leurs points d’accords que leurs désaccords. Les points de convergence sur les grandes orientations à conduire par le gouvernement pour l’agriculture française semblent beaucoup plus nombreux que ne le laissent croire certains discours syndicaux, de surcroît en pleine période électorale où les critiques les uns envers les autres s’exacerbent logiquement.
Acte 1 : Des chambres d’agriculture plus proches des agriculteurs
Le rôle et les missions des chambres d’agriculture n’a pas semblé être un sujet très clivant entre les leaders syndicaux, malgré les critiques régulières entendues sur le terrain concernant les services qu'elles proposent. « Les chambres d’agriculture doivent suivre l’évolution de l’agriculture. Elles devront aussi permettre de faciliter la transmission des exploitations en sécurisant le nouvel installé et en accompagnant le cédant », a introduit Jérémy Decerle, président de Jeunes agriculteurs.
Mais plusieurs leaders syndicaux ont rappelé la nécessaire proximité géographique des chambres d’agriculture à l’égard des agriculteurs.
#ECA2019 : débat @afja1 @LaurentPinatel " des #Chambres d' #agriculture de moins en moins en proximité. Or il faut rompre l'isolement des paysan-ne-s et remettre des personnels des #chambres sur le terrain." pic.twitter.com/DZAShyZDDa
— Conf' Paysanne (@ConfPaysanne) 19 décembre 2018
« Les chambres d’agriculture sont représentées par des hommes et femmes élus localement par leurs pairs. Leurs décisions tiennent compte des spécificités locales », a tempéré Christiane Lambert, présidente de la FNSEA.
Dans le grand débat #ECA2019 de l’ @afja1, @ChLambert_FNSEA rappelle que les Chambres d’agriculture sont représentées par des hommes et des femmes élus localement par leurs pairs. Leurs décisions sont prises en fonction des spécificités de leur territoire. @JeunesAgri pic.twitter.com/wDZXvc6zya
— La FNSEA (@FNSEA) 19 décembre 2018
Par ailleurs, la question de la gratuité des services fournis par les chambres consulaires aux agriculteurs reste un sujet crucial.
« Ce qu'on avait gratuit à la DDT, on l'a maintenant payant dans les Chambres d' #agriculture » (Bernard Lannes)
— Coordination Rurale (@coordinationrur) 19 décembre 2018
Débat audio sur @afja1 #Elections2019
Acte 2 : La désillusion montante des Etats généraux
Premier sujet d’actualité, et non des moindres, la mise en œuvre de la loi Alimentation suscite toujours quelques espoirs. « Il faut que la mise en œuvre de la loi aille plus vite. L’efficacité de la loi passera par l’addition d’un grand nombre d’outils et notamment par une réelle capacité de sanction contre les acteurs qui ne jouent pas le jeu », selon Jérémy Decerle.
« Dans les #EGA, @JeunesAgri + FNSEA se sont attaqués à 40 ans de prix bas en proposant ds mesures cohérentes pr construire le prix en marche avant. La loi #Egalim instaure 1 nouveau code de la route. Aux acteurs de se l’emparer. Nous y serons vigilants » @ChLambert_FNSEA @afja1 pic.twitter.com/6oopeFJKnl
— La FNSEA (@FNSEA) 19 décembre 2018
Mais le scepticisme reste de mise à la Coordination rurale et à la Confédération paysanne. « Ça ne marche pas car l'industrie agroalimentaire s'en fout des paysans », a clamé Laurent Pinatel. Mais Bernard Lannes, de la Coordination rurale, espère que l'ordonnance sur les prix abusivement bas redonnera « un minimum vital » aux agriculteurs.
Car le président de la Coordination rurale ne croit pas à la théorie du « ruissellement ».
« Une marge, ça ne se partage pas ; ça se conquiert. Alors la théorie du #ruissellement m'énerve ; comme si le monde d'en haut envoyait quelques larmes au monde d'en bas... » (Bernard Lannes) Débat audio sur @afja1 #Elections2019
— Coordination Rurale (@coordinationrur) 19 décembre 2018
Président du Modef, Jean Mouzat ne croit pas, lui non plus, aux effets espérés de la loi. « On pourra dire que la loi marche le jour où les paysans verront une hausse de 15 à 20 % du prix de la viande, ce qui leur permettra d'avoir un revenu », a-t-il souligné, préférant que des « prix pour chaque produit agricole (soient) fixés ».
[Vidéo] Le débat sur l'application de la loi Alimentation
Acte 3 : L’unanimité syndicale sur l’inefficacité de l’actuelle Pac
Si l’application de la loi Alimentation en faveur d’un meilleur retour de valeur ajoutée aux agriculteurs sera surveillée de très près début 2019, la réforme de la Pac, dont les contours généraux doivent être actés d’ici les prochaines élections européennes de fin avril, laisse les syndicats au « bons » souvenirs de l’application de l’actuelle Pac.
« La Pac n’est aujourd’hui pas suffisamment efficace. Avec un statut de l’actif, on la rendrait plus juste, avec une volonté politique plus affirmée, la France défendrait mieux nos intérêts », a insisté Jérémy Decerle.
Avec Jeunes agriculteurs, la FNSEA entend défendre des mesures en faveur de « la résilience, la durabilité, la performance » pour la prochaine Pac.
« Nous avons un ensemble de priorités pour la future #PAC : résilience, durabilité, performance doivent être les maîtres mots des orientations qui seront prises » @ChLambert_FNSEA @afja1 @JeunesAgri pic.twitter.com/lzNQwn58Vy
— La FNSEA (@FNSEA) 19 décembre 2018
Les débats encore à venir pour cadrer la prochaine Pac risquent de tendre les relations entre syndicats. « Pour la Pac actuelle, il y a eu trop de rendez-vous manqués », a insisté Laurent Pinatel, évoquant « la prime aux 52 premiers hectares longtemps bloquée par la FNSEA et la Coordination rurale ».
#ECA2019 : débat @afja1 "la PAC actuelle trop de rdv manqués et sur la prime aux 52 premiers hectares bloqués par la @Fnsea et la @coordinationrur"
— Conf' Paysanne (@ConfPaysanne) 19 décembre 2018
Et Bernard Lannes de rappeler le slogan historique de la CR : « Des prix, pas des primes ». « Nous ne voulons pas de cette Europe. Nous voulons une vraie Europe, avec des prix rémunérateurs et une exception agriculturelle. »
Acte 4 : Une transition écologique au rythme difficilement compatible avec les réalités agricoles
En attendant les négociations à venir sur les mesures plus précises de la future Pac, les agriculteurs sont soumis à un rythme soutenu, imposé par Emmanuel Macron et son gouvernement, en matière de transition écologique. Un rythme dénoncé par le syndicalisme majoritaire. « Le rythme n’est pas le bon. On ne laisse ni le temps ni les moyens aux agriculteurs d’adapter leurs pratiques », ont expliqué de concert Jérémy Decerle et Christiane Lambert.
Même la Confédération paysanne semble partager ce sentiment d’une pression trop forte et rapide sur les agriculteurs. « Nous devons être pro-actifs pour éviter un calendrier imposé », a rétorqué Laurent Pinatel. « Sortir des pesticides impose un accompagnement financier ». Et le porte-parole de la Confédération paysanne de rappeler que « les premières victimes des pesticides sont les paysans ».
#ECA2019 : débat @afja1 "les premiers victimes des pesticides sont les paysan-ne-s dont il faudra sortir des pesticides. On a trop attendu pour poser la question".
— Conf' Paysanne (@ConfPaysanne) 19 décembre 2018
Acte 5 : L’agribashing, le phénomène qui rapproche les syndicats
Dernier sujet abordé lors de ce débat, l’agribashing croissant semble rapprocher des syndicats. Ces derniers ont tous dénoncé récemment des actions militantes – anti-élevage, anti-spécisme ou plus généralement contre certaines pratiques agricoles, jugées « inacceptables ». « Je ne connais pas un agriculteur qui se réveille le matin en se demandant "Comment je vais abîmer la planète aujourd'hui" », a expliqué Christiane Lambert, évoquant les menaces de mort que certains éleveurs et représentants d’organisations ont reçues ces derniers jours à titre personnel. La présidente de la FNSEA regrette cependant que la profession ait « trop longtemps tardé à montrer ce qu’elle fait ».
Face à l’extrémisme de certaines associations, Jérémy Decerle a défendu une approche combative sur le plan juridique. « Il faut redoubler d'effort au niveau juridique » car « on doit cogner sans retenue sur les Greenpeace et autres L214, ils ne doivent plus avoir pignon sur rue ». Même insistance de la part de Bernard Lannes, de la CR, qui demande à la Miviludes, la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, de se pencher sur ces associations.
« Les agriculteurs se sentent accablés face aux attaques répétées. Passons de l’agribashing à l’agriacting ! Montrons ce qu’il se passe dans les fermes, finissons-en avec cette ère de la défiance et de l’invective », a poursuivi Christiane Lambert.
Ceci dit, la profession agricole aurait aussi sa part de responsabilité, d’après Laurent Pinatel. « Les excès d’une minorité fabrique l’agribashing », a-t-il rétorqué, citant « la ferme des 1 000 vaches » et « la trentaine de fermes-usines en France ».
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