Un projet d’arrêté interministériel envisage de durcir drastiquement les règles d’application des produits phytosanitaires et de respect des zones non traitées (ZNT), actuellement imposées le long des cours d’eau. Le syndicalisme majoritaire s’inquiète de nouvelles dispositions qui pourraient être contenues dans ce nouveau texte : extension des ZNT le long des fossés, modalités plus drastiques de réduction de la largeur de ces ZNT ou encore nouvelles mesures de protection autour des lieux d’habitation.
L’application des produits phytos est actuellement régie par l’arrêté du 12 septembre 2006. Mais, suite à une requête de l’association nationale des pommes et des poires déposée en juillet 2015, le Conseil d’Etat a demandé aux ministères concernés d’abroger ce texte d’ici fin 2016. Pour éviter tout vide juridique, les ministères de l’agriculture, de l’Environnement et de la Santé planchent en urgence sur un nouveau texte. Texte qui inquiète fortement la FNSEA et JA, qui multiplient les alertes auprès des parlementaires.
Concrètement, l’arrêté du 12 septembre 2006 définit des ZNT de 5 m à 100 m aux abords des points d’eau. Mais en pratique, les agriculteurs peuvent réduire ces zones à une largeur de 5 m le long des cours d’eau moyennant la présence des fameuses bandes enherbées, la mise en œuvre d’un dispositif anti-dérive permettant la réduction de la dérive de 66 % ainsi que l’enregistrement des pratiques. Le texte avait fixé le délai avant récolte à trois jours minimum et des délais de rentrée de 6 à 48h en fonction des produits ainsi que des modalités pour limiter les pollutions ponctuelles à l’origine des cuves de rinçage sur les pulvés, des aires de rinçage et des règles de gestion des fonds de cuve.
« Une menace pour des milliers d'hectares »
Selon les syndicats, le projet de texte qui viendrait remplacer l’arrêté de 2006 pourrait être bien plus exigeant. Les ZNT ne se limiteraient plus le long des cours d’eau, mais aussi le long des fossés, forêts, bosquets, landes et de « zones non cultivées adjacentes ». Surtout, la réduction des ZNT à 5 m, avec les modalités auxquelles se sont soumis les agriculteurs, ne serait plus systématique. « Dans certaines situations, il faudrait respecter les zones de 10, 20 voire 50 m. »
Par ailleurs, l’idée d’instaurer des ZNT en périphérie des lieux d’habitation est revenue dans les débats. En 2014, à l’occasion de la loi d’avenir, les parlementaires avaient recalé cette possibilité sous la pression de la profession, préférant « protéger les lieux fréquentés par des publics sensibles » comme les écoles. D’ailleurs, 25 arrêtés préfectoraux pour encadrer des mesures en faveur de ces publics sensibles auraient d’ores et déjà été signés, et 40 autres seraient en préparation.
Pour la FNSEA et Jeunes agriculteurs, de tels changements engendreraient un retrait potentiel de plusieurs millions d’hectares à la production. Selon la FDSEA du Finistère, les estimations nationales « comptabilisent 4 millions d’hectares de surfaces impactées et 7 milliards d’euros de perte de chiffre d’affaire par an pour la ferme France ». En Ile-de-France, la FDSEA considère que ces mesures feraient perdre 70 000 ha.
Le syndicalisme majoritaire revendique le maintien de l’équilibre de l’arrêté de 2006. Il demande de poursuivre la signature d’arrêtés préfectoraux conformes à l’esprit de la loi d’avenir agricole en matière de protection des publics sensibles, en concertation avec les agriculteurs.
Lundi 3 octobre 2016, FNSEA et JA ont défendu leur position lors d’une réunion du Comité de rénovation des normes en agriculture. La Corena, instance consultative bipartite entre la profession et les pouvoirs publics, dispose d’un mois pour rendre ses propositions.
Les trois ministères à l’origine de cette possible révision, quant à eux, veulent aller vite pour éviter tout vide juridique après la fin 2016. Le projet d’arrêté pourrait être finalisé dans les prochaines semaines pour permettre ensuite, dans un délai de trois mois, une consultation publique nationale et une consultation de la Commission européenne, avant une signature en février 2017.