Dérives des Safer
Le rapport de la Cour des comptes, du pain béni pour Stéphane Le Foll

Le rapport de la Cour des comptes, du pain béni pour Stéphane Le Foll
Pour le ministère de l’Agriculture, le rapport annuel 2014 de la Cour des comptes, que les magistrats ont présenté mardi 11 février 2014, ne pouvait pas mieux tomber. Dans un chapitre dédié, la Cour dénonce les dérives des Safer, en pointant du doigt notamment, des activités « peu transparentes » et éloignées de leur missions originelles ». Autrement dit, ce chapitre constitue du pain béni pour Stéphane Le Foll qui voit ainsi légitimées les mesures de son projet de loi d’avenir agricole pour faire évoluer ces sociétés d’aménagement foncier.

Vidéo: L'analyse d'Evelyne Ratte, présidente de la 7e chambre de la Cour des comptes:

Car après évaluation de la Fnsafer, de Terres d’Europe-Scafr et de quatre des 26 Safer, la Cour des comptes n’est pas tendre à l’égard des sociétés d’aménagement foncier. Les magistrats dénoncent d’abord un élargissement des missions des Safer, allant au-delà des missions de service public qui lui sont conférées, et qui, surtout pénalisent les finances des collectivités locales.

Manque à gagner pour les communes et départements

Les Safer, avaient obtenu une  exemption de droits d’enregistrement, y compris pour les opérations dites de « substitution », pour lesquelles une Safer agit comme un simple intermédiaire entre le vendeur et l’acquéreur, mais sans toutefois devenir propriétaire du bien qu’elle rétrocède. Or, ces opérations de substitution représentaient en 2012 environ 60 % des rétrocessions, et l’avantage fiscal « concerne de plus en plus des opérations sur des biens ruraux bâtis à valeur élevée ». A l’occasion de ces opérations de substitution, les collectivités – communes et départements essentiellement – ne perçoivent donc pas les droits d’enregistrement (5,09 % du montant de la vente).

La Cour des comptes se demande même si l’installation des jeunes agriculteurs est toujours une priorité des Safer, relevant que les rétrocessions au profit de l’installation ne représentent qu’un tiers des opérations effectuées en 2012. Les rétrocessions au profit de jeunes qui s’installent pour la première fois avec les aides ne représentent que 10 % des surfaces rétrocédées. « On ne saurait qualifier ce résultat de "part importante de l’activité de rétrocession" sans suggérer que cette activité est inefficace ». De leur côté, les Safer dénonce une « analyse biaisée » de ses activités (lire ci-contre).

Meilleure structuration, plus de déontologie

La Cour des comptes recommande ainsi de réserver l’exemption de droits d’enregistrement aux seules opérations d’intérêt général, d’assurer la transparence de décisions prises dans les Safer et de prévoir un plan pluriannuel d’activité pour 2015-2020. Elle suggère aussi un regroupement des 26 Safer pour que leur circonscription corresponde aux régions administratives.

Que ce soit au niveau régional ou sur le plan national, le réseau des Safer mériterait aussi d’être davantage structuré et contrôlé. La Cour des comptes relève le rôle « ambigu » de Terres d’Europe-Scafr, structure nationale aux côtés de la Fnsafer, destinée à prendre des participations dans les Safer, et critique les trop fortes imbrications des deux structures nationales, tant dans les missions que la gouvernance,

L’Etat peu regardant

La Fnsafer, quant à elle, s’est ouverte en 2009 aux représentants des conseils régionaux, généraux et municipaux suite à une recommandation de la Cour en 1995. Quatre ans plus tard, la Cour note que « les non-agriculteurs ont l’impression de rentrer dans un "monde clos", très contrôlé par le monde agricole, notamment par le syndicalisme majoritaire , et souligne les « tensions avec les syndicats minoritaires qui s’estiment insuffisamment représentés et informés, bien que la Fnsafer ait donné des consignes d’ouverture en ce domaine ».

A lire: La loi d’avenir va-t-elle donner aux Safer les moyens d’assurer leurs missions ?

La Cour regrette enfin les faiblesses de la charte éthique suivie par la Fnsafer. « Aucune règle déontologique n’est mise en exergue dans la gestion des Safer pour traiter non seulement des responsabilités et devoirs des dirigeants, administrateurs, membres des comités techniques, mais aussi des personnels des Safer eux-mêmes.

Le ministère de l’Agriculture, lui aussi, est critiqué par les magistrats. « Le suivi des plans pluriannuels d’activité reste lacunaire », et les directeurs régionaux de l’alimentation et de l’agriculture, censés superviser le bon fonctionnement des Safer, n’ont été réunis qu’une seule fois entre 2007 et 2013.

Pour Stéphane Le Foll, cette analyse acerbe conduite par la Cour des comptes « rejoint celle que le gouvernement a dressée, justifiant ainsi les dispositions du projet de loi d’avenir pour l’agriculture ».

A lire: Projet de loi d'avenir pour l'agriculture - les évolutions concernant les Safer

A voir: Ce que dit le rapport de la Comptes sur les dérives des Safer

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