En 2010, alors qu’il était bénévole à une fête, Dimitri Gavanon a été écrasé par un chariot élévateur. Les commandes sous ses deux genoux ne fonctionnent plus et, à cela s’ajoute une faiblesse au niveau des fessiers. Il va devoir marcher avec des orthèses et releveurs de pieds. Difficile dans ses conditions de manœuvrer, et surtout de monter/descendre de camion, donc de continuer d’exercer son métier de chauffeur routier.
« J’ai toujours été proche du monde agricole et des animaux. Mes grands-parents étaient viticulteurs et j’ai pas mal côtoyé le milieu manadier, où j’étais au contact des bovins et chevaux. Je songeais déjà à me reconvertir dans l’agriculture. Mon accident a précipité les choses », explique-t-il. Dans le centre de rééducation, où il reste deux ans, il commence à mûrir son projet d'installation agricole avec l’aide de son ergothérapeute, et rencontre des agriculteurs porteurs d'un handicap similaire au sein.
« Il fallait réfléchir aux adaptations nécessaires, voir si ce qui était possible de mettre en place concrètement, et jauger la faisabilité globale de ma reconversion en agriculture », précise Dimitri. D'autant qu'il désire s'installer en élevage bovin allaitant. Dans sa situation, manipuler de gros animaux semble sans doute plus compliqué que de piloter des engins, peut-être plus facilement adaptables, pour cultiver la terre.
S'installer en élevage grâce à une race « facile »
Attiré par la Blonde d'Aquitaine, le futur éleveur opte cependant pour la race Aubrac, de taille moyenne, plus docile, aux vêlages plus faciles et demandant moins d'entretien. « Rustique, elle est adaptée au territoire et exige moins de surveillance et manipulations. « En plus, elle est jolie et nous ne sommes pas loin de son berceau d'origine », ajoute-t-il.
Si dans la région généralement, les vaches, Aubrac en particulier, sont élevées en plein air intégral, Dimitri choisit de faire construire une stabulation, au moins pour l'hiver, afin de limiter ses déplacements. « Adapter directement une construction neuve à mon handicap était aussi plus simple que d'aménager quelque chose d'existant », complète-t-il.
Cheptel, bâtiments, foncier... le futur installé doit tout créer de A à Z. Il achète une quinzaine d'hectares, d'un seul tenant pour des questions d'accessibilité également, et quelques bêtes pour commencer. Progressivement, il augmente le troupeau et la SAU pour atteindre, aujourd'hui, 40-45 têtes sur 70 ha. Que des prairies pour simplifier le travail et être autonome en pâturage et foin.
« On y arrive, mais plus lentement »
« L'exploitation est de dimension modeste, mais je ne pourrai pas assumer seul un effectif et une surface supérieurs », indique le producteur reconnaissant « avoir la chance que beaucoup de tâches soient mécanisées en agriculture ». « Globalement, j'arrive à tout faire mais plus lentement que quelqu'un de valide », poursuit-il. Le plus difficile : les manipulations animales, face au gabarit parfois imposant et aux mouvements imprévisibles. Alors quand il doit trier des lots et charger la betaillère notamment pour la vente, il sollicite l'aide de sa femme et ses enfants.
Les chantiers de fenaison sont également éprouvants, car « il faut tenir sur la longueur ». Parce qu'un agriculteur handicapé ne peut pas développer sa ferme autant que souhaité pour assurer sa rentabilité et au regard de l'impact évident sur les résultats technico-économiques et les primes Pac, Dimitri Gavanon regrette l'absence d'aides spécifiques pour compenser le manque à gagner. Mais pas son choix de devenir agriculteur, car il est heureux dans sa nouvelle profession, où il se sent libre de ses décisions et de son emploi du temps. « Il vaut mieux avoir des remords que des regrets », résume-t-il.
« Bien accompagné et aidé financièrement »
Exploitant à Lecques (ferme du Bosquet) depuis 2016 (avant de se lancer, plusieurs années de préparation ont été nécessaires, depuis le début de sa formation en BPREA en janvier 2012 ; entâmé avant son accident, qu'il a pu reporter), il a bénéficié du soutien financier de l'Agefiph (Association pour la gestion des fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées) et de la Fondation Banque Populaire.
Trois volets de financement successifs, en amont et après son installation, lui ont permis d'acquérir divers équipements l'aidant au quotidien comme un quad, un couloir mobile et des barrières de contention, une porte d'embarquement, des cornadis, une dérouleuse-pailleuse, une presse à balles rondes, une épareuse... « La prise en charge est dégressive – 90 à 50 % entre la première et la troisième demande – mais c'est vrai un coup de pouce », estime l'éleveur qui salut, par ailleurs, l'appui de l'association Comète France dans la réflexion sur ces aménagements ainsi que pour les démarches administratives. « Être sûr que ce soit faisable, puis se faire accompagner humainement et financièrement, voilà le plus important », conclut-il.