La multiplication de semences, c’est une histoire de famille à Léglantiers (Oise). Thomas Bourgeois a repris le flambeau derrière son père en 2009. Aujourd’hui, 60 % de la SAU de l’exploitation sont dédiés à la production de semences. Une activité exigeante techniquement et remplie d’enjeux pour les années à venir, mais aussi à forte valeur ajoutée.

« Comme Obélix, je suis tombé dedans petit, lance Thomas Bourgeois à propos de la multiplication de semences. Mon père a démarré en 1992 par des légumineuses et graminées fourragères. Petit à petit, il s’est orienté vers la multiplication de blé hybride, puis de céréales de prébase. »

C’est assez naturellement que Thomas Bourgeois, avec un BTS Production de semences en poche, a décidé de faire perdurer le savoir-faire familial. Il s’est installé en 2009 sur l’exploitation agricole du Plateau Picard, de 245 ha.

Outre des lentilles, lentillons, petit et grand épeautre, chia, tournesol et colza, 60 % de sa SAU sont aujourd’hui consacrés à la production de semences, avec une diversité de cultures multipliées : blé, triticale, orge de printemps, féverole d’hiver et de printemps, trèfle violet, luzerne, fétuque élevée, sarrasin…

Retrouvez le témoignage de Thomas Bourgeois en vidéo :

https://www.dailymotion.com/video/x92agk6

Une activité exigeante mais rémunératrice

Cette activité nécessite, en général, peu d’investissements, puisque le matériel est le même que pour les cultures de vente. Elle apporte une « sécurité financière grâce à une contractualisation annuelle voire pluriannuelle (comme avec la luzerne), liant agriculteurs et établissements semenciers », précise Thomas Bourgeois. Un point non négligeable « dans une période de volatilité des marchés », souligne-t-il.

Avec les primes de multiplication, il estime un gain supplémentaire de 25 à 28 €/t en conventionnel ou de 45 à 55 €/t en bio pour les semences de blé, par rapport à un blé meunier au niveau du brut livré.

Le multiplicateur préc​​​​​​oupe sa luzerne, qui sert pour l'alimentation animale, ce qui lui permet en même temps de nettoyer les parcelles. (© Terre-net Média)
 
Thomas Bourgeois
Thomas Bourgeois a repris l'exploitation en 2009, son BTS production de semences, afin que perdure le savoir-familial. (© Terre-net Média)

En contrepartie, la multiplication de semences exige « beaucoup d’observation et de technicité ». L’agriculteur insiste notamment sur la réussite de l’implantation, le choix des parcelles en amont se révélant très important pour assurer la pureté spécifique des semences. En céréales, les parcelles doivent être, par exemple, indemnes de folle avoine ou de nielle des blés (graines toxiques).

Et comme pour un sport de haut niveau, la notion de rigueur reste fondamentale tout au long du cycle : suivi des cultures, nettoyage du matériel, traçabilité... « La récolte constitue également une étape-clef, car elle va conditionner la faculté germinative et la pureté du lot de semences », ajoute le producteur.

À la recherche d’un nouveau défi technique

Avec son attrait pour la technique, Thomas Bourgeois a fait le choix en 2019 de se lancer un nouveau défi : passer en agriculture biologique. La multiplication de semences représente un réel défi en bio, car « les normes de certification sont les mêmes qu’en conventionnel, mais nous n’avons pas les mêmes moyens de production… », fait-il remarquer.

Si les solutions de biocontrôle se développent, il n’existe pas, en revanche, de solutions herbicides applicables. Et malgré un assolement diversifié, l’agriculteur fait part d’une « année compliquée » en ce qui concerne le salissement des parcelles. Il a recours au désherbage mécanique : herse-étrille, bineuse… Ces outils apportent une « efficacité satisfaisante », mais restent très dépendants des conditions météorologiques. Le contexte de l’année n’a, par exemple, pas permis de sortir la bineuse dans les céréales.

Autre outil employé : l’écimeuse, afin de gérer la floraison des chardons. En lien avec un éleveur voisin, Thomas Bourgeois réalise aussi une précoupe de luzerne, qui sert pour l’alimentation des animaux et permet dans le même temps de nettoyer les parcelles et d’homogénéiser le stade, pour la récolte plus tardive vers fin septembre. Enfin, l’épuration à la main reste une étape indispensable dans de nombreux cas.

Sarrasin porte-graines
Avec son attrait pour la technique, Thomas Bourgeois a fait le choix de 2019 de se lancer un nouveau défi, en intégrant la filière biologique. (© Fnams)

Gestion des coléoptères et désherbage à l’étude

La pratique du fauchage/andainage peut également servir en cas de parcelles sales. L’agriculteur s’est équipé d’une andaineuse avant même son passage au bio pour les récoltes de luzerne, trèfle, fétuque élevée et sarrasin. Une pratique ancienne remise en avant, suite à l’interdiction du Diquat, herbicide servant comme dessiccant en fin de cycle.

« Ces dernières années, la production de semences a fait face à un contexte phytosanitaire de plus en plus restreint. Comme pour les endives, certaines espèces ne tiennent plus qu’avec une ou deux matières actives en sursis », note Thomas Bourgeois, aussi président de la Fnams1. La Fédération est en lien direct avec les constructeurs, les firmes phytosanitaires, etc. pour avancer sur des solutions de substitution.

« Cette année, avec le Parsada2, trois projets du groupe de travail "Semences" ont été retenus sur la gestion des coléoptères, et l’an prochain devrait être consacré au désherbage. En attendant, la Fnams participe aussi à la Commission des usages orphelins, dédiée aux difficultés rencontrées et à venir aux côtés des organisations professionnelles agricoles », indique-t-il.

« L’accès à l’eau est également crucial pour de nombreuses espèces dans le contexte de changement climatique. Nous travaillons pour un partage en bonne intelligence », précise l’agriculteur. Autre enjeu majeur de la multiplication de semences : la juste rémunération des producteurs. Thomas Bourgeois rappelle à ce sujet le développement de l’outil MargiS€M, permettant de « calculer au plus juste les coûts de production ». 

Avec la reconnaissance du cadre réglementaire pour la mise en place d’organisations de producteurs, l’objectif est « d’accompagner ces derniers dans leur négociation contractuelle avec les établissements semenciers », afin d’assurer l’attractivité de la filière et donc sa pérennité.

1. Fnams : Fédération nationale des agriculteurs multiplicateurs de semences.

2. Parsada : Plan d’action stratégique pour l’anticipation du potentiel retrait européen des substances actives et le développement de techniques alternatives pour la protection des cultures.