La meilleure bière ambrée du monde peut être bue à Théméricourt, dans le Val d’Oise, où vous trouverez également la meilleure bière aromatisée au miel, la Véliocasse, sacrée « world’s best honey beer » en 2014, 2016 et 2021.
Quelles sont les clés d’une si belle réussite ? « Il n’y a pas de secret, je fais des bières à mon goût. Il y a eu de la chance, peut-être, et il faut croire que mes goûts ne sont pas si mauvais que ça », répond Denis Sargeret, gérant de la ferme brasserie du Vexin. Installé en 1976 sur une ferme de 48 ha en polyculture-élevage, qui appartenait à ses grands-parents, l’agriculteur a progressivement agrandi l’exploitation pour atteindre 200 ha et installer son fils à côté. Il y cultive du blé, du colza, du maïs, du tournesol et, bien-sûr, de l’orge de printemps pour la fabrication de la bière.
Un des pionniers de la brasserie à la ferme
L’aventure de la brasserie a commencé en 2001. « J’ai lu un article sur quelqu’un qui faisait ça dans le centre de la France. Ici, dans la région, personne ne le faisait. On est parmi les premiers à avoir mis une petite brasserie en route », explique Denis Sargeret. « Notre fils voulant revenir sur l’exploitation agricole, il nous fallait trouver une diversification », ajoute-t-il.


« On cultive une vingtaine d’hectares d’orge tous les ans », l’objectif étant d’en avoir suffisamment pour occuper une cuve de trempe à la malterie, seule étape qui n’est pas réalisée à la ferme, explique l’agriculteur qui ne veut surtout pas que son orge soit mélangée à d’autres. « On veut absolument que ce soit notre orge, partir du produit de la terre pour aller jusqu’au produit fini et à la vente avec les gens », résume-t-il.
Retrouver du contact humain
S’il s’est lancé dans la brasserie, c’est aussi pour l’aspect humain. « Quand je me suis installé, on avait du contact avec les gens, on avait les vaches laitières, les gens venaient chercher le lait le matin et le soir à la ferme et on avait du monde ». Avec l’arrêt des vaches en 1981, « je me suis retrouvé à ne faire que de la céréale, on ne voyait plus personne. J’ai eu envie d’avoir une diversification », raconte-t-il.
La localisation de la ferme, juste à côté du siège du parc naturel régional du Vexin français, se révèle être un atout supplémentaire. « Des gens venaient tourner devant notre hangar quand ils rataient l’entrée du parc. Un jour en rigolant, l’un d’eux m’a dit « tu devrais faire une baraque à frites, t’aurais du monde » », raconte l’agriculteur. La brasserie accueille aujourd’hui de nombreux clients tous les week-ends, dont une partie des visiteurs de la Maison du Parc. En dehors de la vente directe, on peut retrouver la bière du Vexin dans plusieurs boutiques de l’Ouest parisien, et dans les supermarchés locaux.
Une expérience de plus de 20 ans
Pour Denis Sargeret, qui ne connaissait au départ « absolument rien à la bière », cette réussite est une fierté. « Quand j’ai commencé, on devait être entre 25 et 30 agriculteurs-brasseurs en France », contre près de 2 000 aujourd’hui. « Au départ quand je faisais des marchés, les gens regardaient le stand en se disant que de la bière artisanale, ça devait être dégueulasse. Je leur faisais goûter, et aujourd’hui encore on les a comme clients. Avec les collègues brasseurs, on a redoré l’image de la bière », salue-t-il.
Pas d’intérêt à s’agrandir
Si c’est désormais la brasserie et ses 2 500 hectolitres de bière annuels qui constituent l’essentiel du chiffre d’affaires et des bénéfices de l’exploitation, « on n’a rien sans rien, tempère Denis Sargeret. On y passe plus de 70 heures par semaine, c’est un travail de tous les jours, un travail de surveillance, de vente, un travail physique, même si on gagne un peu d’argent, c’est largement mérité », estime-t-il.
Et pas question pour autant de produire davantage. « Après, il faut gérer de la main d’œuvre et moi, je ne sais pas bien faire », explique l’agriculteur qui, à 66 ans, pense davantage à la retraite qu’à l’agrandissement. Pour la suite, son fils, associé, et sa fille, salariée, « verront bien ce qu’ils voudront faire ».

Car Denis Sargeret parle d’expérience. « Attention, quand on fait une diversification, à la vie de famille. Parce qu’on peut avoir une réussite professionnelle qui soit une catastrophe pour la vie familiale », prévient-il, même si de son côté, « on a toute la famille qui travaille dans la brasserie, et les enfants y adhèrent ».
Un exemple à suivre pour les jeunes qui se lancent ?
Fort de ce succès, l’agriculteur recommande-t-il aux jeunes installés de se lancer dans la brasserie ? « Pas dans la bière, non, aujourd’hui y’en a 2 000... Mais ce que je leur recommande c’est de se creuser la tête pour trouver des idées qui sortent de l’ordinaire, faire autre chose que ce que les gens font déjà » et se frayer, eux-aussi, un chemin vers une diversification réussie.