L’agronomie fait son grand retour dans les pratiques de désherbage des céréaliers. Et pour cause. Alors que le nombre de spécialités herbicides autorisées diminue campagne après campagne et qu’aucune nouveauté n’est attendue dans les années à venir, il devient urgent de trouver des solutions alternatives, à commencer par les leviers agronomiques.
Parmi les premiers à actionner, l’allongement des rotations pour casser les cycles biologiques des adventices. En effet, dans une rotation culturale trop courte, les mêmes espèces hébergent les mêmes adventices, rendant, au fil des années, leur élimination plus délicate. À l’inverse, la diversification des rotations permet de varier les mauvaises herbes ciblées et, avec elles, les modes d’actions des herbicides utilisés et les dates d’intervention : une stratégie efficace pour limiter la pression de sélection des résistances et ainsi, préserver les matières actives encore disponibles sur le marché. Le choix de la rotation doit donc tenir compte des gammes d’herbicides autorisés sur chacune des cultures, notamment en cas de présence avérée d’adventices résistantes ou dans le cas d’échecs de traitements répétés. Introduire une culture de printemps (orge, protéagineux, tournesol...) dans une rotation colza-blé-orge s’affiche, par exemple, comme une bonne option pour rompre le cycle des adventices hivernales (graminées, coquelicot…) et faciliter ainsi leur élimination.
Du choix des espèces et de leur date de semis
Opter pour des variétés et des espèces plus couvrantes aura pour effet de limiter la concurrence avec les adventices en les privant rapidement de lumière. L’orge d’hiver, le seigle et le triticale présentent une forte densité foliaire. L’implantation d’un couvert d’interculture peut également être une solution intéressante car il perturbera la germination des adventices et limitera leur développement. Un bémol cependant, les adventices les plus gênées par le couvert ne sont pas forcément celles qui posent soucis en culture, du fait des levées décalées. Un diagnostic de l’historique de la parcelle pour identifier la flore présente reste une étape indispensable avant de faire évoluer sa stratégie.
Autre technique de plus en plus souvent utilisée : celle du faux semis. L’objectif, travailler superficiellement le sol, quelques semaines avant le semis de la culture suivante, pour faire lever les adventices et les détruire ensuite, juste avant le semis de la céréale. Cela peut se faire par voie chimique (herbicide foliaire non sélectif) ou mécanique (avec des outils qui travaillent le sol en surface). Cette stratégie contribue à épuiser le stock semencier de mauvaises herbes. Attention toutefois à intervenir dans des conditions favorables à la levée, notamment en termes d’humidité au sol. Si cette technique fonctionne bien sur graminées automnales et sur ambroisie, elle s’avère en revanche plus aléatoire sur certaines dicotylédones.
Des stratégies différentes contre les graminées et les dicotylédones
En culture d’hiver, si le décalage de la date du semis est efficace pour déjouer la pression des graminées, il n’a en revanche aucun intérêt pour gérer les dicotylédones. Pour décaler le semis tout en garantissant la réussite de la culture, il convient également d’adapter la précocité de la variété et bien évidemment, de tenir compte de la structure du sol et de la météo annoncée au moment du chantier.
Le choix des outils et la fréquence du travail du sol ont également un impact sur la densité des adventices au sein d’une parcelle. Les labours occasionnels, tous les trois à quatre ans, s’avèrent efficaces contre les espèces dont les semences ont une faible durée de conservation dans le sol, à l’instar des graminées automnales (brome, vulpin ou ray-grass). Ces passages d’outils réduisent en effet le stock semencier en enfouissant les graines, évitant ainsi qu’elles ne lèvent. Le labour n’a, en revanche, aucun effet positif sur les dicotylédones dont les semences peuvent se conserver très longtemps dans le sol. En enfouissant les graines plus profondément, il peut même avoir un effet négatif.
Si malgré toutes ces actions, un désherbage chimique s’avère incontournable, il est bon de rappeler que l’enjeu est d’intervenir sur des adventices jeunes, plus faciles à détruire, en associant et en alternant les modes d’action des spécialités herbicides utilisées.