Les producteurs - qui cueillent à la main l'épice de début août jusqu'aux premières gelées, survenant entre novembre et janvier - ne cèdent pas encore au catastrophisme, même si le manque à gagner est déjà important.
"La récolte n'a pas commencé que l'on sait déjà que le produit va nous manquer, mes carnets de commande sont déjà pleins", explique Jean-Michel Sabarots, producteur depuis 1996 à Laressore, un des dix villages producteurs du piment d'Espelette.
Cette épice, venue d'Amérique, était au départ utilisée de façon presque exclusivement domestique, en assaisonnement et pour la conservation des viandes. Aujourd'hui, sa production s'élève à 24 tonnes par an. Son parfum et son piquant chaud sont très prisés des gourmets qui l'utilisent pour relever et aromatiser les plats.
Mais depuis quelques années, la mode est à la déclinaison du piment sous toutes les formes. Les commerçants d'Espelette proposent ainsi de la moutarde, du chocolat ou même de la confiture au piment.
Cependant, depuis début août, en raison du retard dans la cueillette, le piment est devenu un produit rare. A Espelette, les touristes doivent se contenter de photographier les façades des rares maisons sur lesquelles sèchent encore quelques cordes de piment rouge de la récolte précédente.
Depuis quelques années, la production de cette épice ne cesse de croître. Depuis 1997, le nombre de producteurs a doublé, passant de 30 à 63, et le nombre de pieds plantés a presque triplé.
La plupart de ces producteurs ont entre 25 et 45 ans. "Le piment a permis a un grand nombre de jeunes de s'installer ou de reprendre une exploitation", souligne Marie-Pierre Lanceraux, animatrice au Syndicat des producteurs de piments. "Sans cela, je n'aurais jamais pû reprendre l'exploitation familiale, qui était trop petite et avait une vieille structure", affirme Laurent Bessouat, 26 ans, qui possède 8 hectares.
Peu exigeante en espace, la culture du piment d'Espelette s'adapte bien à la configuration agricole locale, faites de petits lopins de terre en zone montagneuse.
La reconnaissance, il y a deux ans, de l'AOC piment d'Espelette, qui garantit au consommateur la qualité du produit, a permis un plus grand développement du produit. "Aujourd'hui, c'est devenu un produit de référence et de bonne qualité", se félicite le maire d'Espelette, André Darraïdou, par ailleurs restaurateur dans le village. Ce cuisinier évoque avec plaisir le jour où il a entendu le chef Joël Robuchon expliquer qu'il "espelettait" son plat. |