Dès l'aurore, une noria de tracteurs aux remorques bourrées de raisin mûr envahit les rues du village, bordées de palmiers et de platanes, en direction de la cave-coopérative dont le directeur technique, Joël Julien, a les traits tirés après des heures de travail intensif, les vendanges ayant lieu la nuit.
"On a eu environ cinq jours de retard", explique-t-il dans la cour de la coopérative. "On a commencé la semaine dernière par les cépages précoces, comme le sauvignon et le chardonnay. On devrait terminer la semaine prochaine et commencer alors les cépages rouges. On est aussi sur la fin de la cueillette du muscat petit grain, et on passera bientôt à celle du muscat d'Alexandrie".
Le raisin récolté sert à élaborer des vins de Pays d'Oc, mais surtout le fameux muscat de Rivesaltes, un vin doux naturel dont le procédé de fabrication remonte au XIIIème siècle : la fermentation du jus de raisin est stoppée en rajoutant de l'alcool à 96 % dans une proportion de 5 à 10 %, ce qui permet à ce vin de conserver une partie des sucres contenus naturellement dans le fruit et de prendre, grâce à cela, une saveur extrêmement douce et fruitée. "Un arôme de jeunesse qui séduit et qui plaît au consommateur", se félicite M. Julien.
Fragile, le grain de muscat demande à être récolté à un minimum de 14,5 degrés, exclusivement à la main. Il est aussi plus sensible que les autres aux caprices de la météo.
"Cette année, on a eu un petit décalage au moment de la floraison, puis de fortes précipitations. Quand on a du raisin presque mûr et qu'il pleut autant, le grain se gonfle et on est rapidement soumis à des problèmes. On a été un peu juste cette année sur l'état sanitaire. Il va falloir être patients, trier et sélectionner les parcelles, laisser le grain fermenter", poursuit M. Julien.
A Saint-Hippolyte, un village des environs où l'on produit également du muscat de Rivesaltes, Louis Rigail, propriétaire du Domaine du Maridet, a commencé les vendanges le 30 août. Il est épaulé par une quinzaine de travailleurs, en général des habitués, payés 7 euros de l'heure pour récolter le grain dans les vignes aux petites heures du matin.
"Samedi, j'ai vendangé de minuit à seize heures. C'est usant mais en même temps excitant car c'est mon premier millésime", explique ce jeune vigneron. "C'est vrai qu'on a été embêté par la pluie sur les cépages prêts à être cueillis, ce qui va demander de la rigueur en ce qui concerne la vinification. Mais sur les cépages tardifs l'effet va être plutôt bénéfique", affirme-t-il.
Quelque 170.000 hectolitres de muscat de Rivesaltes sont produits chaque année. Les vendanges dans le Roussillon se poursuivront jusque fin octobre. |