"Notre objectif n'est pas uniquement d'entrer dans l'Union européenne mais d'y entrer aux meilleures conditions possibles", a affirmé mardi le Premier ministre lors d'un point de presse à Varsovie, faisant le bilan d'une tournée ces dernières semaines dans plusieurs capitales européennes. Aussi, les négociateurs polonais presseront-ils Bruxelles jusqu'à la dernière minute, c'est-à-dire jusqu'au sommet final de l'élargissement de l'UE, prévu jeudi et vendredi à Copenhague. Ils veulent surtout faire sauter les limitations imposées à l'aide à leurs agriculteurs. Le ministre polonais des Affaires étrangères Wlodzimierz Cimoszewicz a réclamé lundi "tout simplement l'élimination" de cette limite, qu'il a jugée inacceptable. L'aide atteindrait en 2004, selon les dernières propositions du Danemark, président tournant de l'UE, le seuil de 40% grâce au versement de sommes prévues au titre du développement rural. Mais la Pologne veut porter ces aides directes en 2004 à 45% au moins du niveau de celles des Quinze, et rehausser encore ce pourcentage par des financements nationaux, a indiqué M. Cimoszewicz. Varsovie refuse d'y voir une discussion de marchand de tapis. "Si nous devons faire l'Histoire, les carottes, les patates et le lait ne devraient pas être un obstacle", a résumé mardi à l'AFP le porte-parole du ministère des Affaires étrangères polonais, Boguslaw Majewski. Face au gouvernement, les anti-européens s'organisent. Le chef du parti ultra-catholique d'opposition Ligue des familles polonaises (LPR) Roman Giertych a donné une base concrète à sa croisade contre "la perte de l'indépendance de la Pologne". Il a annoncé lundi la création d'un Comité national pour l'indépendence, chargé de convaincre les Polonais de dire "non" au référendum d'adhésion prévu au printemps prochain. Il bénéficiera du soutien, au moins implicite, du parti paysan radical Samobroona (Autodéfense) d'Andrzej Lepper, engagé dans la même croisade. Au sein même de la coalition gouvernementale la crainte est grande que les Polonais disent "non". "Si l'UE s'obstine à imposer ses conditions (d'adhésion) injustes, le risque du vote 'non' est proche de la certitude", déclarait récemment à l'AFP le vice-président de la Diète (chambre basse) Janusz Wojciechowski, responsable du parti paysan (PSL) membre de la coalition. Le vice-Premier ministre et ministre de l'Agriculture Jaroslaw Kalinowski s'est d'ailleurs retrouvé au ban des accusés dans son parti PSL, la semaine dernière. "La pression au sein de la coalition est énorme", confirmait à l'AFP un haut responsable politique mardi, et cette pression ne peut que se répercuter sur les dernières discussions de Bruxelles. Les Polonais semblent tabler sur d'apparents désaccords au sein des Quinze pour obtenir davantage. Les Français et surtout les Allemands, pourtant avocats de la Pologne, ont reproché à Copenhague d'avoir été trop généreux dans ses dernières propositions. Le sommet de Berlin en 1989 avait alloué 42 milliards d'euros pour l'élargissement à six pays. L'UE n'en a retenu que 40 milliards à départager cette fois-ci entre 10 pays. Dans un entretien publié mardi par la presse danoise, le président de la Commission européenne, Romano Prodi, a appelé les Quinze à plus de générosité. "S'il est nécessaire d'utiliser tout l'argent pour avoir un accord, je pense réellement que nous devons le faire", a-t-il souligné, estimant que "les deux parties doivent lâcher du lest maintenant". Mais le Premier ministre danois Anders Fogh Rasmussen a répondu pas question, mardi à Athènes: "L'UE n'a pas plus d'argent". |