Le volet agricole des négociations à l'OMC doit s'ouvrir au printemps et les principaux acteurs, à part l'UE, ont déjà fait connaître leurs positions. Le directeur général de l'OMC, Supachai Panitchpakdi, a pressé l'Union de présenter rapidement ses "propositions chiffrées" et l'a appelée "à limiter ses subventions agricoles, qui faussent la concurrence". Les commissaires européens à l'Agriculture et au Commerce, Franz Fischler et Pascal Lamy, ont promis de faire de leur mieux pour présenter d'ici fin décembre le plan de l'UE. Leur tâche n'est pas aisée, car tout projet qui touche à la Politique agricole commune (PAC) divise les Quinze. "La réforme en voie d'élaboration va dans trois directions: il s'agit d'accroître l'accès des pays tiers aux marchés de l'UE, de réduire le soutien intérieur" aux agriculteurs et "de diminuer les soutiens à l'exportation, en vue de leur élimination progressive", indique-t-on de source européenne. La Commission a toutefois une marge de manoeuvre limitée. Elle est prise dans le corset des décisions du sommet européen de Bruxelles de fin octobre, qui a mis à mal ses projets de réforme anticipée de la PAC avant 2006 et fixé, pour 2007-2013, un plafond annuel d'une quarantaine de milliards d'euros pour les mesures de soutien aux marchés et les paiements directs aux exploitants agricoles. Au sein des Quinze, ce plafond est interprété par les partisans de ces subventions comme une garantie du maintien des aides directes, même si l'élargissement impliquera un partage du gâteau entre davantage d'agriculteurs. M. Fischler se défend pourtant que le sommet de Bruxelles ait rendu caduc ce point clé de son plan de réforme de la PAC. Son idée de base reste celle d'un "découplage" entre le montant des paiements directs et le niveau de la production, tout en augmentant parallèlement l'aide au développement rural qui n'est pas dans le collimateur de l'OMC. Il peut compter sur le soutien de pays comme le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la Suède ou l'Allemagne, hostiles aux aides directes. Mais il sait aussi qu'il devra batailler dur avec la France ou l'Espagne, principales bénéficiaires actuelles des aides directes. Pascal Lamy, qui fourbit ses armes pour négocier à l'OMC au nom des Quinze, a signé fin novembre une déclaration commune avec le Premier ministre belge Guy Verhofstadt, en faveur d'une "révision" des subventions agricoles aux exportations. La Commission n'a de cesse de rappeler que les Etats Unis ont accru les aides à leurs agricuteurs dans le cadre de la loi agricole (Farm Bill), alors que l'UE plafonne les siennes. L'étau se resserre toutefois autour des deux principales puissances économiques mondiales. Sur un ton peu habituel, la Banque mondiale a qualifié d'"hypocrite" la politique agricole de l'UE et des Etats-Unis et leur a demandé de réduire leurs subventions agricoles, "qui sont une charge terrible pour les pauvres dans les pays en développement". Le Canada, l'Australie, le Brésil et les autres membres du Groupe de Cairns, exportateurs de produits agricoles, ont appelé tous les pays à "supprimer les subventions à l'exportation, d'ici trois ans, dans le cas des pays développés, et d'ici six ans dans le cas des pays en voie de développement". Le ministre australien du Commerce, Mark Vaile, a accusé l'Europe d'"étrangler les pays pauvres". Un reproche que rejette Bruxelles en arguant que "l'UE importe plus de produits agricoles des pays en développement que les Etats-Unis, le Canada, le Japon et l'Australie réunis". |