"L'effeuillage précoce, c'est-à-dire pratiqué à la nouaison, peut participer à la maîtrise de la pourriture", déclare Pascal Mallier de la Chambre d'Agriculture d'Indre-et-Loire, département où des essais sont menés depuis 1994. "Dorénavant, nous nous attachons à comparer l'efficacité de cette technique par rapport aux traitements anti-botrytis, et à vérifier que l'effeuillage améliore les qualités du vin. Nous n'avons pas encore assez de recul pour donner des résultats sur le premier aspect, mais on a pu constater des choses intéressantes ".
Dans les différentes régions où l'effeuillage précoce a été expérimenté, il semble effectivement être efficace pour lutter contre le botrytis. L'ITV de Gaillac a constaté qu'il améliorerait l'état sanitaire des futures vendanges en favorisant une meilleure pénétration des produits utilisés pour les traitements localisés. Il serait ainsi aussi possible de réduire le nombre de passages, et donc d'économiser les produits de traitement. L'effeuillage permet également d'obtenir une meilleure aération des grappes, ce qui diminue la présence de Botrytis cinerea et réduit les risques de pourriture. Alors que l'emploi des produits phytosanitaires est de plus en plus restreint, l'effeuillage précoce pourra être une solution pour lutter contre le botrytis là où l'enherbement n'est pas possible. "Evidemment, en cas d'années sèches, l'intérêt de l'effeuillage pour lutter contre la pourriture n'est plus très pertinent" convient le conseiller viticole.
"Quelque soit la période à laquelle il est réalisé (à la nouaison et avant ou après la véraison), on a constaté que l'effeuillage sur les deux faces était plus efficace qu'un effeuillage sur une seule face " explique Pascal Mallier. Il insiste toutefois sur le fait que certaines précautions sont à prendre. "Si, rassure-t-il, les brûlures qui sont parfois constatées après un effeuillage n'ont pas de conséquences économiques, il ne faut évidemment pas effeuiller juste avant ou pendant une période de fortes chaleurs car il est nécessaire que la "peau" des raisins puisse s'habituer à la chaleur." L'effeuillage précoce peut apparaître préférable car les risques de coups de chaleurs sont plus limités au moment de la nouaison. En outre, il favorise un endurcissement des baies et les rend plus résistantes aux coups de soleil. L'ITV met aussi en garde contre les phénomènes d'échaudage rencontrés sous climats chauds en cas d'effeuillages tardifs.
Dans tous les cas, un rééquilibrage de la conduite de la vigne s'avère nécessaire pour compenser la suppression des feuilles. L'ITV de Gaillac a ainsi pu noter qu'un effeuillage double faces réalisé tardivement sans augmentation de la hauteur du feuillage avait un effet néfaste. Pascal Mallier rappelle qu'il faut envisager des changements dans la conduite de la vigne. "Il faut être doté de piquets assez hauts pour relever d'au moins 15 cm le palissage. Si on ne relève pas, on perd de la surface foliaire exposée et au final des dixièmes de degré."
En matière de vinification, on a aussi recours à l'effeuillage qui permettrait d'avoir un taux d'anthocyanes plus élevé et d'obtenir ainsi une meilleure coloration des cépages rouges. Cependant, l'effeuillage précoce n'a pas toujours donné les résultats escomptés explique le conseiller. "Il faut relativiser les apports en matière de vinification. Sur des lots témoins, on a relevé très peu d'écart entre des vins issus de vignes effeuillées précocement et des vins issus de vignes conduites classiquement. Sur les vins de Loire, on gagne très peu en couleur", constate-t-il. "On note aussi une légère baisse d'acidité (de 1/10 à 5/10) en cas d'effeuillage. Mais ce résultat ne justifie pas à lui seul l'emploi de cette technique", souligne-t-il. D'autant plus que le matériel pour réaliser l'effeuillage est coûteux et s'ajoute à une conduite de vignoble à repenser le cas échéant.
"Il existe trois types de machines, énumère Pascal Mallier. Les effeuilleuses thermiques de Souslikoff (aux alentours de 10 000 euros pour deux faces) qui sont efficaces et utilisables tout au long de la saison, mais dont la vitesse d'avancement n'est que de 2 km/h et auxquelles il convient d'ajouter le prix relativement élevé des consommables." Selon des essais menés par l'ITV, elles donnent un résultat proche de l'effeuillage manuel, occasionnent très peu de blessures et permettent un bon dégagement des grappes (taux d'effeuillage d'environ 60 %). La plupart des feuilles tombent environ 15 jours après l'opération.
S'agissant des effeuilleuses à aspiration, "elles autorisent une vitesse de passage à 4 km/h et leur prix sont compris entre 9 150 et 19 800 euros pour deux faces ". ll existe deux systèmes : les machines à aspiration à barre de coupe et les machines à aspiration à couteaux. L'ITV a constaté que les premières (Tordable ou Avidor) aspirent et coupent parfois des fragments de grappes mais donnent un bon taux d'effeuillage. Avec les secondes (Ferrand, Clemens ou Ero), le taux de blessures sur grappes est en revanche plus élevé. On trouve enfin des machines à pulsion d'air (Galvit ou Ecojet) qui coûtent environ 16 800 euros. "Elles sont plus adaptée pour un effeuillage pratiqué entre la chute des capuchons et la nouaison, estime Pascal Mallier. Après, les fragments de feuilles projetés peuvent se nicher dans les inflorescences et provoquer de la pourriture." Un bon réglage de la machine est primordial souligne l'ITV. Pour Pascal Mallier, l'achat d'une effeuilleuse doit donc être raisonné. "Le jeu n'en vaut pas la chandelle si on est seul sur 10 à 15 ha. L'achat peut en revanche s'envisager en CUMA. On peut aussi faire appel à un prestataire de service."
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