"On ne reconnaît plus notre vallée. Ici, il n'y a plus que les arbres qui soient encore verts", plaisante-t-il, un sourire amer aux lèvres, en désignant les chênes et les pins plantés dans les prairies jaunies par la sécheresse qui affecte le département de Lozère depuis la fin du printemps. Ses 350 brebis, le plus souvent consignées à l'ombre dans la bergerie sous la surveillance d'un chien, ont déjà entamé le fourrage hivernal. "Il va nous manquer 80 tonnes de fourrage pour l'hiver", maugrée l'agriculteur, qui a repris les rênes de cet élevage géré par la famille depuis quatre générations dans le hameau de Sages. Face à cette pénurie, deux dangers menacent l'exploitation : l'augmentation brutale du prix du fourrage mais aussi sa richesse. "Si l'on me fournit du fourrage qui ne correspond pas au sol calcaire de notre région, la qualité du Roquefort pourrait être affectée", admet-il, en appelant à l'aide les pouvoirs publics. Grâce à une opération de solidarité organisée par la Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles (FDSEA), plusieurs chargements de paille, notamment en provenance du Gard, doivent bientôt arriver en semi-remorque dans la région lozérienne. En attendant, pour "ne pas épuiser les bêtes", Jean-Louis Pelat a dû se résoudre à arrêter deux semaines plus tôt la saison de la traite qui, traditionnellement ne s'achève pas avant la fin du mois de juillet. Le manque à gagner est difficile à évaluer. De mémoire de paysan, on n'avait jamais vu une sécheresse "aussi précoce et cruelle" dans la région, assure ce petit homme brun et robuste. "En juillet ou en août, un temps pareil, c'est normal. Mais en mai et en juin, c'est à n'y rien comprendre", s'exclame-t-il, encore surpris de constater que, pour la première fois, la source alimentant sa fontaine est quasiment tarie. Sous l'effet ravageur du soleil, une prairie nouvelle, réimplantée près de sa ferme l'automne dernier, a été réduite pour moitié à un tas d'herbe sèche inexploitable. Même les grains d'orge, transformés en farine pour compléter l'alimentation animale, ont souffert de la chaleur et se présentent sous une forme rachitique, bien moins nourrissante. Le rendement de la céréale a été divisé par deux. "Il est encore trop tôt pour dire ce qui va advenir. Mais il est certain qu'on ne pourra pas supporter une seconde sécheresse comme ça. Après mes investissements, je vais peut-être devoir recourir à l'emprunt pour m'en sortir", soupire l'agriculteur. |