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Champagne Vers la vendange de tous les dangers

REIMS, 25 juil (AFP) - La Champagne s'avance à grands pas vers une vendange qui va concentrer tous les dangers, notamment économiques, provoqués par une double raréfaction conjoncturelle et structurelle des approvisionnements en raisin, estiment les spécialistes.

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Les violentes gelées de la première moitié d'avril ont frappé de plein fouet la Champagne, vignoble le plus septentrional de France.

L'une des zones les plus affectées est la "Côte des blancs", qui produit quasi-exclusivement des Chardonnay, responsables de la fraîcheur du "vin fou".

"J'ai des vignes qui donneront 500 kilos à l'hectare, d'autres plus, alors que l'appellation en permet 10.400 (...) En moyenne, j'arriverai peut-être à 3.000 kilos", explique Jacques Vazart, vigneron indépendant à Chouilly, non loin d'Epernay.

"Certes nous pourrons débloquer la réserve qualitative", ces stocks constitués les années précédentes, à raison de 1.000 kilos à l'hectare, et qui totalisent aujourd'hui une demi-vendange. "Mais on est loin du compte".

"Théoriquement moins de grappes signifient plus de qualité, mais ce sont des conditions agronomiques inédites, tout est suspendu à la météo d'août, qui feront le raisin", ajoute-t-il.

Philippe Gué, récoltant-manipulant sur le même terroir, estime qu'une fois ses livraisons au négoce assurées, il ne pourra élaborer que 10.000 bouteilles sous son nom "peut-être", contre 30.000 habituellement.

Au Comité Interprofessionnel des Vins de Champagne (CIVC) qui réunit négoce et vignerons, on constate: "la vendange sera environ de moitié, en moyenne, sur l'ensemble de la Champagne".

"En Champagne, la vigne n'enregistre pas de stress hydrique. Elle va chercher l'humidité jusqu'à 12 mètres, notamment sur les coteaux crayeux", explique Philippe Gué. "Mais la qualité dépend des quatre à cinq prochaines semaines, le début de vendange sera début septembre, avec de nombreuses dérogations demandées à l'INAO" (Institut national des appellations d'origine).

"Il faudra récolter le peu de raisin, au mieux", explique André Enders, directeur général du CIVC. Autant dire quasiment grappe par grappe, car il vaudra de l'or.

Exactement ce dont l'organisation économique champenoise n'avait pas besoin à l'aube de la renégociation en 2004 des contrats quadriennaux d'approvisionnement entre vignoble et négoce, considèrent les analystes économiques.

Le raisin le plus cher du monde (4,10 Euros le kilo l'an dernier) risque de flamber.

D'autant que structurellement, la Champagne cultive déjà la quasi-totalité de ses terroirs: quelque 32.000 hectares. De quoi confectionner les années "pleines" de l'ordre de 300 millions de bouteilles. Le marché, en croissance, en absorbe déjà plus de 280 millions chaque année.

"La bataille des négociants pour s'arracher les approvisionnements de Bricout-Delbeck, après la faillite de cette entreprise, montre qu'une fois de plus négoce et vignoble sont pris de vertige", explique Bernard Beaulieu, secrétaire général de la CGT du champagne. "Les consommateurs n'achèteront pas le champagne à n'importe quel prix."

"Les maisons qui s'engageront sur des prix du raisin exhorbitants et qui ne pourront vendre le vin, sinon à perte, vont plonger, poursuit-il. On va vers des restructurations sauvages, et les salariés en paieront de nouveau le prix".

Au CIVC, on tente de minimiser les risques d'une telle crise. "Lorsqu'on achète du Champagne, on achète un bon vin, mais surtout un moment d'exception qu'aucun mousseux ne pourra jamais apporter".


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