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Vendanges Millésime 2003 : tout n'est pas joué

Vendanges précoces, ensoleillement exceptionnel, raisins gorgés de sucre : le millésime 2003 est annoncé comme très prometteur. Mais tout n'est pas joué, car cette vendange atypique recèle bien des embûches. Et la canicule a parfois fait des ravages.

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Exceptionnelle. Nul doute que la canicule de cette année 2003, si meurtrière par ailleurs, restera dans toutes les mémoires. La chaleur extrême de cet été, associée à un fort ensoleillement, a accéléré la maturation du raisin, dont le jus est plus concentré en raison de la sécheresse qui a fait diminuer sa teneur en eau. On a donc souvent eu un raisin précoce, gorgé de soleil et de sucre et qui plus est très sain. Il n'en fallait pas plus pour que l'on annonce un peu partout un millésime de “très grande qualité”, “très prometteur”, voire “exceptionnel”.

Dans bien des vignobles, on a commencé les vendanges avec plusieurs semaines d'avance : le 7 août à Rivesaltes pour le muscat à petits grains, le 8 août en Ardèche, le 13 août dans un château du Bordelais, où l'on a vendangé un raisin à 14° d'alcool. Une précocité jamais vue dans la région depuis 1893, comme dans le Beaujolais, où on a commencé à récolter le 14 août, avec trois semaines d'avance, en battant les records de 1893 et de 1947. Dans le Rhône, le ban des vendanges était fixé au 14 août. Précocité exceptionnelle également pour les appellations Côte de Beaune et Côte de Nuits (19 août) et en Champagne (21 août). Pour les appellations Touraine et Touraine Amboise, les vendanges pour les cépages les plus précoces ont commencé le 23 août, avec là aussi une avance d'environ trois semaines.
Cette récolte 2003 réalisée bien plus tôt que d'ordinaire présentera des quantités plus faibles. Car avant la canicule, beaucoup de vignes ont été frappées par le gel au printemps (Champagne, Bourgogne, Beaujolais, Val de Loire) et/ou par la grêle, notamment en juin (Entre-deux-mers, Blayais, Alsace, Jura, Bourgogne, Val de Loire). Après ces incidents climatiques, les fortes chaleurs ont conduit à une vendange atypique. Soleil et hautes températures ont en effet rendu le raisin très sec, avec peu de jus. “Les jeunes vignes, sur des sols trop légers, sablonneux, et certains terroirs de grands crus ont souffert, indiquait il y a une dizaine de jours Gérard Cayrel, œnologue à Oeno France à Eguisheim (Haut-Rhin). Mais ailleurs la situation est très bonne. Sur les vignes qui ont manqué d'eau, on a constaté des blocages de maturité. La maturité n'est donc pas optimale, de même que la minéralisation. Les moûts ne sont pas équilibrés. L'acidité, plus faible que d'habitude, les rend aussi plus sensibles à l'oxydation. Il faut donc les protéger pour qu'ils gardent leurs arômes. Cette année, les raisins sont grillés, on a des arômes de fruits secs, confits, on ne retrouve pas la fraîcheur habituelle.”

De telles caractéristiques rendent la vinification plus délicate. “On constate une plus grande fragilité des raisins du fait de la température et des conditions microbiologiques”, expliquait encore Gérard Cayrel. A la fin de la canicule, les vignerons alsaciens rentraient des crémants d'une température de plus de 30°; difficiles à rafraîchir avant la fermentation car certains domaines ne disposent pas de systèmes de refroidissement. Il est en effet crucial de refroidir la vendange pour éviter une fermentation trop rapide.

Autre conséquence de la chaleur, la chute de l'acidité, qui favorise les développements microbiens. Le sulfitage est alors nécessaire. D'autre part, la précocité du raisin a rendu le recrutement des vendangeurs plus difficile : beaucoup en effet étaient encore en vacances quand il a fallu commencer la récolte.
Ailleurs, ce ne sont pas des difficultés supplémentaires qu'ont dû subir les vignerons, mais de gros dégâts parmi les vignes. A Gaillac, Michel Issaly, du domaine de la Ramaye, annonce des pertes de 60 à 80 %.

“ La vigne elle-même aurait résisté à la sécheresse, mais le problème a été la canicule. On a enregistré des 47°, et même 52 °. Le raisin a énormément souffert. On a eu des phénomènes de grillure. Le peu de raisins qui est rentré est de qualité assez inégale, difficile à vinifier. Nous avons beaucoup de doutes sur la capacité de vieillissement du vin. Pour nous le millésime 2003 sera très mauvais en quantité. Pour la qualité, il est trop tôt pour se prononcer. Mais le contexte est difficile.”

Difficile en effet de dire aujourd'hui si le millésime de cette année sera de très grande qualité, et s'il le sera dans tous les vignobles. Ce qui est certain en revanche, c'est que l'année et la vendange 2003 auront réservé bien des embûches aux vignerons.


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