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Le Chaource Fromage de terroir venu de l'histoire

ERVY-LE-CHATEL (Aube), 26 oct (AFP) - Entre Troyes et Auxerre, dans les collines de la Champagne humide, deux tourelles encadrent l'entrée de l'exploitation laitière de la famille Dosne, comme des gardiennes dressées de la tradition d'un fromage venu du Moyen-Age, le Chaource.

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Ce GAEC (Groupement agricole d'exploitation en commun) familial est aujourd'hui le seul à produire ce fromage d'appellation dans la tradition fermière, par opposition au fromage dit de laiterie, sur l'exploitation.

Marie Dosne s'est formée à l'alchimie fromagère pour assurer la pérennité de l'exploitation lorsque sont intervenus les quotas laitiers dans les années 80. Souriante et timide, elle laisse parler son mari, Lionel. C'est lui qui a la haute main sur l'élevage, une centaine de vaches, surtout des Prim'Holstein. Le tout sur 150 hectares qui assurent aux laitières, entre pâturages et fourrage, une alimentation exclusivement végétale.

"En 1994, nous avons pris le virage fromager pour satisfaire une laiterie voisine qui cherchait un fromage fermier à offrir à ses clients", explique Lionel Dosne.\n Actuellement, l'exploitation produit de l'ordre de 2.500 litres de lait par jour, dont un quart est mis en fabrication. "Le fromage, c'est aussi prenant que la vache est exigeante", constate-t-il.

La tradition remonte au Moyen-Age lorsque les paysans "conservaient" le lait sous forme de fromage. Frais l'été, séché pour la musette lorsqu'on allait aux champs. La tradition passa par les opulentes abbayes de ce sud champenois, par ailleurs riche en foires.

Le fromage était cadeau, hommage ou même monnaie pour payer l'impôt au seigneur suzerain. Dès le XIVème siècle, on en retrouve la trace écrite.

Et dans la région, "le fromage de Troyes", toujours résultat d'ensemencement au ferment lactique du lait fraîchement trait, immédiatement passé à la présure d'estomac de veau, moulé à la louche, éventuellement salé, parfois essuyé à l'eau ou au vin blanc, prend dans la même famille des visages différents : le Chaource plus haut, l'Ervy plus fin, le Barberey, le Soumaintrain, lavé à la main.

Dans la fromagerie Dosne, juste en aval de la salle de traite, le lait est ensemencé encore chaud : c'est le domaine de Ginette, mère de Lionel, qui se lève la nuit pour respecter les échéances de fabrication.

La salle de fabrication est aux normes européennes : tout est blanc, l'inox luit de propreté. Mais les gestes sont ancestraux. Même si les moules sont en plastique, supportant les lavages minutieux.

La chaleur moite, propre à la fermentation, favorise aussi le premier égouttage qui réduit le volume des fromages de 60%, par perte du petit lait. Celui-là même qui servait à nourrir les cochons des exploitations moyenâgeuses.

Encore une journée avant le salage, et un léger saupoudrage de pénicilium pour le Chaource afin d'obtenir une croûte immaculée. Puis salle d'affinage pour trois semaines : 12 degrés et hygrométrie contrôlée.

"Nous ne démarchons jamais. Nous allons uniquement dans les salons relativement spécialisés et puis il y a le bouche-à-oreille et la presse. Cette année, on parle de nous jusqu'au Japon", explique Lionel, pas peu fier. Sur l'article, parmi les idéogrammes on reconnaît les lettres AOC. Le Chaource l'a obtenue en 1970.


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