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Faux époisses mortels Un an de prison avec sursis requis

DIJON, 3 décembre 2003 - Le ministère public a requis mercredi une peine d'un an de prison avec sursis à l'encontre de deux anciens responsables d'une fromagerie poursuivis devant le tribunal correctionnel de Dijon pour homicides et blessures involontaires après la mort en 1999 d'un nourrisson à Chambéry et d'une jeune mère de famille à Compiègne.

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En janvier et février 1999, trois cas de listériose, dont deux mortels, avaient été enregistrés dans plusieurs régions françaises et l'enquête des services sanitaires avait permis de remonter jusqu'à de faux époisses fabriqués par la société, déjà verbalisée en 1997 pour des problèmes d'hygiène et traînée en justice par le syndicat d'appellation en raison du non respect des règles de production de l'appellation d'origine contrôlée (AOC). La troisième victime, une personne âgée de 71 ans, hospitalisée à l'époque pour une méningo-encéphalite, a gardé des séquelles physiques.
Les familles des victimes présentes à l'audience n'ont pu que regretter l'absence du principal prévenu, l'ancien PDG de la SA Fromagerie de l'Epoisses-Fromagerie de l'Armançon, Jean-Pierre Fol, décédé en août dernier d'un cancer du larynx. "Il y a un grand absent et on le déplore, si j'étais méchante, je dirai qu'il est mort par où il a péché", a lancé Me Dominique Hamann, l'avocate de la famille du nourrisson décédé, dont la mère avait mangé de l'époisse lors d'un repas de famille.
Pour le procureur de la République, Céline Brion, les deux prévenus, l'ancien responsable qualité, Marc-Antoine Coste de Bagneaux, et l'ancien chef de fabrication, Benoit Overney, même s'ils ne sont pas à l'initiative de la commercialisation des fromages contaminés, sont coupables d'homicides et blessures involontaires en raison de leur "attitude" et de leur "silence".
Le PDG avait en effet décidé, à l'approche des fêtes de Noël 1998, de prendre les affaires en main, y compris l'affinage pour pouvoir répondre à la demande. "Il y avait trois fois plus de fromages que d'habitude, on n'y arrivait plus, on accumulait du retard et cela ne lui a pas plu et il a donc décidé de s'en occuper", a expliqué M. Overney.
Les deux anciens responsables ont rejeté les responsabilités sur leur ancien patron, un personnage autoritaire, M. Overney expliquant qu'ils ne pouvaient lui "dire non", M. Coste de Bagneaux affirmant pour sa part qu'il avait peur de perdre son emploi. Tous deux avaient fermé les yeux sur la commercialisation de lots contaminés.
Leur avocat ont plaidé la relaxe, estimant qu'ils n'étaient que des pions au main de M. Fol, même s'ils avaient connaissance de lots contaminés. "Tout citoyen ayant connaissance de risques encourus par des consommateurs et de comportements pouvant comporter des risques a le devoir d'alerter les autorités compétentes", a indiqué le procureur. Ce procès illustre "comment des impératifs de santé publique peuvent être bafoués au nom d'une logique purement mercantile", a-t-il déclaré. Alors que les prévenus affirmaient ne pas avoir connu à l'époque les risques que comportait la listéria, la représentante du ministère public leur a rappelé les obligations de l'arrêté du 30 décembre 1993 concernant la transformation laitière : effectuer des auto-contrôles permanents et signaler à la direction des services vétérinaires tout risque sanitaire grave. Le jugement a été mis en délibéré au 21 juillet 2004.


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