Le tableau d'affichage électronique qui s'anime en temps normal à partir de 10H30 restait muet jeudi à 16H00. Abatteurs et producteurs ne sont pas arrivés à se mettre d'accord sur le prix minimum auquel sont lancées les enchères. La séance de négociations était suspendue jusqu'a 18H00. Sur ce marché de référence en Europe, environ 56 000 porcs sont vendus normalement le jeudi.
Dans la salle, les conversations bruissent, les rumeurs et les calculs circulent dans une atmosphère lourde, on sort les portables. "Si on a pas 0,850 euro le kilo, ce soir il y a le feu", affirme un éleveur au téléphone. "C'est sûr il va y avoir des manifestations", explique-t-il sans vouloir en dire plus. Les éleveurs ont multiplié les actions de protestion ces dernières semaines, notamment à Quimper mardi soir, avec des dégats estimés par la mairie à quelque 100 000 euros.
La crise que traverse le porc depuis deux ans s'est accélérée en octobre, où le cours est repassé au dessous d'un euro pour battre des records de faiblesse à 0,852 le 11 décembre. Ce jeudi les vendeurs exigent un statu quo, les acheteurs qui ont du mal à écouler la viande, une baisse à 0,80. Une centaine d'éleveurs, des responsables de coopératives pour la plupart, sont venus soutenir le matin leurs représentants qui négocient en comité restreint dans une petite pièce à part, où le ton est monté au fil des heures.
"L'ambiance est très tendue", commentait Jean-Pierre Joly, directeur du MPB. Seuls les producteurs, FNSEA et Jeunes agriculteurs, sont représentés au conseil d'administration du MPB. Pas les abatteurs. Le président de l'association des acheteurs au cadran, Jean Salaun, ne répond pas aux questions. "Ils veulent mettre de l'argent dans leur poche, c'est tout", répond à sa place un éleveur. "Quand on a un prix de revient de 1,35 euro le kilo, on perd entre 7 500 euros et 8 000 euros par mois en trésorie dans le porc", affirme M. Saliou, qui élève 200 truies. Lui compense "en partie", avec sa production de lait.
Les autres puisent dans leur épargne, empruntent, ou retardent les paiements. "A la limite on se demande si l'Europe veut encore de l'agriculture", lance un éleveur qui souhaite rester anonyme. Lui et ses voisins demandent avant tout un "concurrence à jeu égal", notamment avec les Espagnols soumis à des règles de production moins rigoureuses, selon les éleveurs français.
Jean-Pierre Joly prône en outre des aides européennes à l'exportation. Une solution à laquelle plusieurs producteurs ne croient pas. Faisant allusion aux fêtes, l'un d'eux lance, désabusé : "Tout le monde mange de la dinde en ce moment". |