Aussi, face aux référendums prévus dans les semaines à venir, leurs gouvernements peinent à expliquer les avantages de l'entrée le 1er mai 2004 dans la grande famille européenne. De l'Estonie à la Hongrie, les questions sont les mêmes : les petits propriétaires vont-ils perdre leur capacité à gérer leur production, ne risquent-ils pas d'être privés de leurs terres, les grands producteurs pourront-ils affronter la concurrence des Quinze, les quotas ne vont-ils pas étouffer la production laitière et les règlements sanitaires ne vont-ils pas les ruiner? Les plus réfractaires sont les petits propriétaires qui craignent de tout perdre. Ils constituent la grande majorité des agriculteurs polonais, qui manifestent parfois avec violence contre l'UE. La population rurale de Pologne représente plus du tiers des 38 millions d'habitants du pays le plus important des dix nouveaux adhérents. "Commment peut-on proposer à un plus pauvre le quart de l'aide que reçoit normalement l'agriculteur d'un pays riche. C'est absurde. L'agriculteur polonais devrait recevoir 125% des subventions et non 25%" du montant d'aide accordé à ses collègues de l'UE actuelle, estime le chef du plus grand syndicat agricole KZRKOR, Wladyslaw Serafin. La position de son syndicat fort d'un million d'adhérents est la moins radicale vis-à-vis de l'UE, affirme-t-il. Les autres organisations, dont Solidarité rurale, et le parti paysan populiste Samoobrona, sont ouvertement anti-européens. Le récent limogeage du ministre de l'Agriculture Jaroslaw Kalinowski et de son parti paysan PSL du gouvernement, laisse l'équipe de gauche de Leszek Miller seule face aux agriculteurs. Jeudi, l'ancien ministre a posé trois conditions d'aide aux agriculteurs en échange d'un "oui" au référendum d'adhésion début juin. Au sommet de Copenhague en décembre, la Pologne avait réussi à porter le plafond des aides directes à ses fermiers à 55% du niveau de l'actuelle UE dès 2004 au lieu des 25% prévus. Cet ajustement, dont profiteront les Dix futurs membres, est considéré par les fermiers polonais comme un écran de fumée mais il a séduit beaucoup d'autres, qui veulent toutefois des garanties. L'Union européenne, qui désire échelonner jusqu'en 2013 la mise à niveau des aides directes, ne paiera la première année que les 25% promis, le reste étant à la charge des Etats nationaux. "Nous demanderons au gouvernement de nous garantir les conditions négociées à Bruxelles", souligne le président de la Chambre agricole slovaque, Ivan Oravec, à l'unisson de son collègue tchèque, Miroslav Jirovsky. A ces incertitudes, s'ajoutent "un énorme travail administratif, de nouvelles règles vétérinaires. souligne un responsable de la Fédération des fermiers de ce pays balte, Inesse Rederai. La nécessité d'investir pour cela est inquiétante". Nombre d'organisations agricoles des ex-pays communistes concluent toutefois qu'il est plus avantageux d'entrer dans l'UE.
En Hongrie, les fermiers affiliés au MOSZ (gauche) estiment que si l'aide reçue est inférieure à ce qui a été promis, ce sera bien plus que la situation actuelle où il n'y a aucun soutien financier. "Nous ne sommes pas heureux des conditions obtenues", indique Villu Reilan, président de l'Union du Peuple, parti des zones rurales, en Estonie. "Mais nous préférons voter 'pour' que 'contre' l'UE. Nous ne pouvons plus rien changer". En dépit de sondages montrant une majorité de "oui" à l'adhésion dans tous ces pays, les gouvernements investissent des millions d'euros dans des campagnes destinées à rassurer et convaincre les zones rurales d'accepter de sauter le pas. |