A un mois et demi de la conférence ministérielle de Cancun (Mexique), le cycle de négociations commerciales multilatérales lancé en 2001 à Doha (Qatar) est mal engagé et aucun des délais fixés pour la conclusion des modalités de la négociation sur les principaux dossiers n'a été respecté. L'incapacité des acteurs commerciaux mondiaux (Etats-Unis, Union européenne, autres pays industrialisés, pays en développement...) à se mettre d'accord sur la façon d'ouvrir leurs marchés aux échanges semble promettre une déclaration minimaliste à Cancun, selon plusieurs spécialistes du dossier. D'où l'intérêt de réunions informelles, dites "mini-ministérielles", comme celle de Montréal, où le nombre limité de pays représentatifs de la diversité économique et géographique des 146 pays membres de l'OMC, "permet d'avoir des discussions plus dynamiques et interactives", a souligné une source canadienne en notant que 26 pays ou régions seront représentés. Cette mini-ministérielle de Montréal, la troisième cette année après Tokyo et Charm el-Cheikh (Egypte), "est la dernière occasion de sauver Cancun", selon un lobbyiste français expert de l'OMC. Un échec de la négociation actuelle, suspendue pour beaucoup à des accords dans les domaines agricole et des médicaments, risque d'entamer sérieusement la crédibilité de l'OMC et du multilatéralisme, de plus en plus concurrencé par les accords commerciaux bilatéraux. Dans le domaine agricole, les discussions continuent de buter sur les conditions de "la baisse progressive" des subventions à l'exportation et sur l'accès aux marchés des pays riches pour les produits des pays en développement. L'Union Européenne estime avoir fait le nécessaire avec la réforme de la politique agricole commune (PAC) en juin. Pour les Etats-Unis, la question "est de savoir comment la réforme de la PAC va pouvoir être intégrée dans le cadre des négociations", a rappelé vendredi Peter Allgeier, adjoint au représentant américain au commerce. La baisse des subventions américaines et européennes est réclamée par les pays du "groupe de Cairns" (Australie, Argentine, Brésil, Canada...) et les pays d'Afrique. Ces derniers dénoncent un "commerce inéquitable" qui ruine leurs paysans et entretient la pauvreté et le sous-développement. L'accès des pays pauvres aux médicaments est l'autre dossier sensible à l'OMC et pratiquement au point mort depuis l'opposition des Etats-Unis au compromis autorisant sous certaines conditions la production de médicaments génériques (par dérogation au droit des brevets pharmaceutiques) pour les pays pauvres touchés par une grave épidémie. Dans le canevas politique de Doha, "un accord sur les médicaments serait un signe à destination des pays en développement, qui pourraient alors faire des concessions dans d'autres domaines", selon une source ministérielle européenne. Sous la pression des laboratoires pharmaceutiques américains, les Etats-Unis cèdent peu de terrain dans les négociations. Les Américains ont toutefois concédé de ne pas se cantonner à une liste de médicaments mais ils exigent maintenant d'établir une liste de pays pauvres bénéficiaires de ces médicaments. Les discussions à Montréal promettent donc d'être acharnées. Comme l'espère un spécialiste de l'OMC, "le programme est énorme, mais l'expérience a prouvé que c'est souvent dans la dernière ligne droite que les négociations avancent à l'OMC". |