Les 146 pays membres ont entrepris des consultations autour de ce document depuis qu'il a été présenté mercredi soir par Washington et Bruxelles. Le sentiment général, résume un responsable de l'OMC, est que cette initiative "remet au moins la balle en jeu" après une longue période d'inertie, à moins d'un mois de la réunion ministérielle de l'OMC à Cancun (Mexique). Cancun doit faire le point à mi-parcours des négociations lancées à Doha en novembre 2001 pour libéraliser le commerce mondial, qui sont censées se conclure avant le 1er janvier 2005. L'agriculture est considérée comme la clé du succès de ce "cycle de Doha". Le document américano-européen "a stimulé le processus (de négociation) d'une manière qu'on n'avait pas vu depuis trois ans et demi", estime le porte-parole de l'OMC Keith Rockwell. Le texte traite des trois manières qu'a un pays de s'octroyer un avantage sur ses concurrents dans les échanges agricoles: subventionner ses propres exportations, élever des barrières douanières aux importations et soutenir ses paysans (par des prix garantis ou des aides). Les Américains sont parvenus à muscler le texte comme ils le souhaitaient en y incluant l'engagement de s'attaquer aux "soutiens internes qui faussent le plus les échanges". Sur les droits de douane, ils ont obtenu que les plus élevés soient, en proportion, réduits de manière plus drastique, selon ce qu'on appelle dans le jargon OMC la "formule suisse". C'est "un bon signe pour l'avenir", commentait mercredi soir le principal négociateur américain, Allen Johnson. De leur côté, les Européens ont obtenu que leurs mécanismes de soutien à l'exportation (restitutions), les plus critiqués à l'OMC, soient traités sur un pied d'égalité avec les crédits à l'exportation (prêts à taux préférentiel), que les Etats-Unis utilisent beaucoup. Bruxelles et Washington ont donné dans leur texte des gages aux pays en dévéloppement, dont les paysans sont les principales victimes de la surenchère des subventions des deux côtés de l'Atlantique. Ces pays pourront appliquer "des réductions moins importantes de leurs tarifs douaniers et des délais plus longs". Une partie, non précisée, de leur production agricole accèdera aux marchés sans payer de droits. Par contre, les pays en transition qui sont de gros exportateurs agricoles seront moins bien traités: "les règles et les disciplines devront être adaptées" à leur cas. Selon un diplomate européen, cette clause est "une gifle pour des pays comme le Brésil ou l'Inde". Ces derniers, ainsi que l'Argentine, ont manifesté leur mécontentement lors des premières discussions du texte à l'OMC. Le représentant de l'Australie a déploré que le texte ne comporte "pas d'engagement absolu d'éliminer progressivement toutes les subventions à l'exportation" et qu'il reste "quelque peu ambivalent" sur le but à atteindre. Pour l'instant, le document ne comporte aucun objectif chiffré. Il reste à "mettre des couleurs dans le dessin", admet le commissaire européen au Commerce Pascal Lamy. Or c'est bien là le problème, les divergences étant profondes sur le rythme d'une telle réforme. A titre d'exemple, le président du groupe de négociations agricoles à l'OMC, Stuart Harbinson, avait suggéré au début de l'année de baisser des 60% les droits de douane et les aides internes et de supprimer en neuf ans les subventions à l'exportation. L'Union européenne avait alors proposé des réductions beaucoup plus modestes, de respectivement 36%, 55% et 45%. |