Au final, "l'échec de la conférence n'est pas un échec pour nous, car on a voulu nous imposer quelque chose qui aurait été pire, et nous avons su réagir", a déclaré à l'AFP le ministre du Commerce du Mali, Choguel Kokalla Maiga, principal négociateur africain sur la question du coton au sommet de l'Organisation mondiale du commerce (OMC).
L'exigence de quatre pays africains -Mali, Tchad, Bénin et Burkina Faso- de l'annulation des subventions cotonnières aux pays "riches", surtout les Etats-Unis, s'est heurtée au refus absolu de Washington, et a été l'une des causes de l'échec du sommet.
L'Afrique de l'Ouest et du centre, où le coton est l'une des principales sources de devises, perd chaque année un milliard de dollars en raison de l'impossibilité d'écouler la production à un prix convenable. Pourtant, selon une étude de l'ONG Oxfam, "les prix de production du coton sont trois fois plus élevés aux Etats-Unis qu'au Burkina Faso".
"Nous avions adressé des demandes au président de la conférence sur l'agriculture, les droits de douanes industriels ou le traitement différencié, mais nous n'avons jamais eu de chance de pouvoir en discuter", a déclaré de son côté le ministre de l'Industrie et du commerce de l'Ile Maurice, Jaya Krishna Cuttaree.
"Dans le même temps, on nous demandait d'ouvrir des négociations dans de nouveaux domaines avec les sujets de Singapour (concurrence, investissement, facilitation des échanges, transparence). Or nous étions fortement opposés à ouvrir de telles négociations", a-t-il ajouté.
"Beaucoup d'entre nous l'avaient vu venir", commente Boma Anga, un homme d'affaires nigérian, travaillant pour l'Etat. "Nous savions qu'à moins que l'Europe et les Etats-Unis aient voulu faire des concessions, il y aurait une impasse. Nous pensons que cette impasse est importante pour nous", a-t-il ajouté.
Le quotidien de Johannesburg, Star, constate que les subventions vont continuer. "La situation actuelle profite aux pays industrialisés. Ils gardent les pays en développement à l'écart de leurs marchés mais sont tout autant capables de faire du dumping pour leurs produits dans les pays pauvres", ajoute le quotidien.
Pour les Africains pourtant, Cancun a été "une victoire politique", selon Boubacar Diop Buuba, président du Conseil des ONG d'appui au développement (CONGAD), regroupant 150 ONG, basé à Dakar.
Cancun "fut une tribune pour montrer les injustices dans ce monde et montrer que tout ce système n'est pas fait pour la solidarité et le développement des êtres humains", a-t-il ajouté, soulignant que l'échec n'était "pas une surprise, vu les enjeux et les étapes à franchir". "Nous ne nous faisions pas d'illusions", a-t-il souligné.
Malgré cette apparente "victoire politique", pouvant s'avérer fructueuse sur des négociations ultérieures, le secrétaire général du CADTM (Comité pour l'annulation de la dette), Damien Millet, pense que les Africains sont "en tous points les grands perdants".
Il souligne déjà la quasi-inexistence de l'Afrique au sein du "G21", autour de l'Inde, la Chine et le Brésil.
"Il n'y a pas même un expert pour chacun des pays africains à l'OMC. Les Américains en ont 80. Comment les Africains pourraient-ils peser? C'est trop disproportionné", souligne M. Millet. |