La lutte du Larzac, de ces paysans éleveurs de brebis qui encore aujourd'hui clament haut et fort "Gardarem lo Larzac!" (nous garderons le Larzac), a débuté le 28 octobre 1971. Michel Debré, alors ministre de la Défense, annonce l'extension d'un camp militaire de 3 200 à 14 000 hectares pour entraîner les divisions blindées et les engins lance-missile. La riposte s'organisera autour du "serment des 103", pacte scellé par 103 agriculteurs s'engageant à ne pas laisser leur plateau entre les mains de l'armée. Après une première pétition de 30 000 signatures, le causse deviendra jusqu'en 1975 un vaste forum : le philosophe Lanza del Vasto jeûne durant trois semaines ; en 1973 et 1974, soixante puis cent mille manifestants défilent jusqu'au camp de la Cavalerie, on marche sur Paris, on renvoie les livrets militaires, on refuse de payer une partie de l'impôt... Une lutte dans une ambiance bon enfant qui se corse à partir de 1975 avec l'intervention des forces de l'ordre, l'emprisonnement de 22 militants et des expropriations. Les paysans sont rejoints par des bataillons d'anti-nucléaires et militants pacifistes : opposants à Creys-Malville, Plogoff ou Golfech viennent en pèlerinage au "Rajal del Gorp" (le ravin du renard) et 1977 sera marquée par un grand rassemblement "Viure al pais" (vivre au pays). Fin 1978, la dernière grande manifestation des opposants au camp rassemblera à Paris plusieurs dizaines de milliers de personnes. Fidèle à une promesse électorale, François Mitterrand enterre le projet d'extension du camp le 3 juillet 1981. Quatre ans après, une convention rétrocède aux agriculteurs les 6 300 hectares acquis par l'Etat et le camp de la Cavalerie, créé en 1902, retrouvera sa superficie initiale. Pour autant, la "paix" avec les militaires ne marque pas la fin du Larzac, dont la notoriété s'étend déjà à l'Europe et aux Etats-Unis. Les anti-nucléaires et les pacifistes y organisent notamment un rassemblement international "pour le gel du nucléaire" en 1983. A la fin des années 1990, le Larzac s'insurge contre les taxations américaines sur le roquefort et devient l'une des capitales du mouvement altermondialiste. Tout commence, le 12 août 1999 lorsque quelques dizaines de militants procèdent au "démontage symbolique" du chantier McDonald's de Millau. Une semaine plus tard, le porte-parole de la Confédération paysanne José Bové se livre à la justice et est placé en détention provisoire. L'image du syndicaliste paysan, partant vers la prison sous forte escorte en brandissant ses poings menottés, fera le tour du monde, suscitant un tollé. A l'été 2000, le procès de José Bové et de neuf de ses camarades est l'occasion d'un grand rassemblement festif anti-mondialisation auquel participent entre 40 000 et 50 000 personnes, transformant Millau en un éphémère "Seattle-sur-Tarn". |