"Le découplage est en réalité un recouplage par rapport à la surface, et celui-ci pose plus de problèmes qu'il ne résout de questions. C'est une fausse bonne idée", a résumé le ministre. M. Gaymard était à Berlin à l'occasion de l'inauguration jeudi soir de la foire agricole "Semaine verte", où il a rencontré son homologue allemande, l'écologiste Renate Kuenast. Selon lui, "huit à dix pays sur quinze sont opposés au découplage total et réclament des études sur l'impact" d'une telle réforme. L'Allemagne et l'Espagne, entre autres, ont fait d'autres propositions officieuses de "découplage partiel", sur lesquelles la France est "prête à discuter", a-t-il affirmé. Et d'énumérer les "problèmes" du découplage total : "On renoncerait à ce que la PAC puisse réguler les problèmes du marché, on figerait des droits historiques entre les pays et au sein des pays entre les paysans, on provoquerait une spéculation foncière en augmentant artificiellement le prix de la Terre, ce qui poserait un problème lors des successions". Outre ces questions relatives à la "politique agricole interne", les propositions de M. Fischler sont contestables dans le cadre des négociations au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), a poursuivi le ministre. La Commission présente le découplage comme une "formule magique" qui donne à l'UE "un avantage dans les négociations avec l'OMC", a affirmé M. Gaymard. Or "nous n'en sommes pas du tout convaincus", a-t-il confié, estimant que la mission de l'OMC est d'abord de favoriser "une meilleure agriculture dans le Tiers monde". Evoquant des journaux anglo-saxons qui accusent la PAC de contribuer à la faim dans le Tiers monde en faisant barrage à la libéralisation des marchés, M. Gaymard a lancé: "Cessons cette hypocrisie, cessons de prendre comme prétexte le développement des pays pauvres pour en réalité servir les intérêts commerciaux des autres pays". La bataille sur l'avenir de la politique agricole commune (PAC), en veilleuse depuis l'automne, est sur le point de reprendre lors de la présentation attendue la semaine prochaine du nouveau projet de réforme élaboré par la Commission européenne. Selon des sources européennes, Franz Fischler n'entend pas renoncer à l'un des axes majeurs de la réforme, le découplage, qu'il souhaite mettre en oeuvre dès 2004 pour la plupart des productions, notamment les céréales et la viande bovine. Sur le fond, la France est contre une réforme "en bloc", c'est-à-dire "à prendre ou à laisser", car elle juge qu'"une réforme importante à mi-parcours de la PAC n'a jamais été convenue" los de la fixation de l'agenda 2000, a déclaré M. Gaymard. Toutefois, elle n'est "pas du tout fermée à la discussion". A la question de savoir pourquoi Paris était si radicalement opposé à une réforme en bloc, le ministre a répondu: "Nous avons toujours une démarche pragmatique, pas idéologique", or, "objectivement, aucun indicateur est au rouge sur les paramètres de la PAC". En outre, "il est très malsain de réformer à tout bout de champs", car "une certaine stabilité des règles" est nécessaire. |