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La Camargue Une histoire ancienne de domestication du fleuve et de la mer

ARLES (Bouches-du-Rhône), 8 fév (AFP) - En Camargue, 370 espèces d'oiseaux cohabitent en bonne intelligence. C'est moins le cas des hommes dont les conflits s'expliquent, selon un spécialiste, par une histoire ancienne de difficile domestication d'un fleuve et de la mer.

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Les propriétaires fonciers, hostiles à la gestion du parc régional de Camargue par un nouveau Groupement d'intérêt public (GIP), "s'estiment dépositaires de la région", explique Bernard Picon, sociologue au CNRS, qui observe à la loupe le delta depuis 1974.

"La physionomie actuelle de la Camargue", avec ses étangs, ses marais, ses rizières et oiseaux, "est due à leur action, leur gestion agricole et salinière", poursuit-il. "Ils ont le sentiment d'avoir fabriqué le territoire, contre l'extérieur", poursuit-il, faisant état d'une "mentalité îlienne de résistance, d'une vieille tradition d'anti-Etatisme de la part de gens qui ont les moyens".

Sur les 86.000 ha que compte le parc régional de Camargue (100.000 avec la bande littorale), 70% environ appartiennent à des privés, parmi lesquels 400 exploitants agricoles (essentiellement des riziculteurs), dont cinq ou six possèdent plus de 1.000 ha (17.000 pour les Salins du Midi), selon les chiffres du GIP. Les 30% restants se partagent entre l'Etat, le conservatoire du littoral et le département. Parmi les 8.000 habitants, on compte aussi une soixantaine d'éleveurs et une quarantaine de pêcheurs.

"C'est une terre de très grandes propriétés car passer des marécages qui prévalaient sous l'Ancien Régime au contrôle de la mer et du fleuve a nécessité des capitaux énormes que la petite paysannerie locale n'était pas en mesure d'apporter", ajoute le chercheur. "Il a fallu endiguer les deux bras du Rhône, la mer, creuser des canaux", ajoute-t-il, processus à peu près parachevé au milieu du 19ème siècle.

La protection de l'environnement fonctionne souvent sur le "stéréotype l'homme est l'ennemi de la nature", qui doit être protégée par l'Etat. "Ce schéma culpabilisateur est inadmissible pour des propriétaires qui pensent avoir créé cette nature", ajoute Bernard Picon.

"C'est la raison ancienne et récurrente de cette hostilité à l'Etat, représenté en Camargue par le ministère de l'Environnement, hostilité répercutée sur le conservatoire du Littoral et la Tour du Valat, fondation privée de recherches en zone humide mais qui est considérée comme +le cheval de Troie" de l'Etat. Le conflit actuel, sur lequel se greffe un conflit droite/gauche", en est le reflet", résume-t-il.


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