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Etats-Unis L'Europe entend défendre ses appellations

Pour faire face aux utilisations "abusives" et "déloyales" de certaines appellations d'origine à l'étranger, et notamment aux Etats-Unis, les producteurs européens ont décidé de passer à l'offensive pour défendre l'image de leurs produits et faire valoir leurs particularités.

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"Le saumon d'Alaska vient-il de Floride ?" Pour lutter contre les utilisations abusives de leurs appellations aux Etats-Unis, plusieurs pays européens viennent de lancer une campagne publicitaire destinée à faire reconnaître l'importance des appellations d'origine.

A l'initiative des producteurs, qui s'estiment lésés par ces pratiques, et des organismes qui les fédèrent, un club des indications géographiques a été constitué. L'objectif est bien évidemment de défendre des produits alimentaires tels que le vin, notamment les champagne, bourgogne ou chablis, mais aussi le porto (Portugal) et le sherry (Angleterre), ou encore le turron d'Alicante et de Gerona (Espagne), le jambon de Parme et le parmesan de Reggiano (Italie).

Il sera notamment chargé de mener des actions de lobbying auprès des instances européennes qui doivent défendre ce dossier auprès de l'OMC (Organisation mondiale du commerce), le gendarme international des pratiques et échanges commerciaux.

En lançant une campagne publicitaire en début d'année qui doit se poursuivre tout au long de 2003, le Comité interprofessionnel du vin de champagne (CIVC) a tiré le premier afin d'interpeller les consommateurs américains.

Plusieurs publicités, parues dans différents magazines, font référence à des produits que les Américains connaissent bien, pour lesquels ils associent une indication géographique précise, mais leur suggèrent "des lieux d'origine absurdes" comme le saumon d'Alaska provenant de Floride ou les pommes de Washington cueillies au Nevada.

En contrepoint, la publicité interroge les consommateurs : "le champagne ne vient-il pas de Champagne ?" et précise que champagne n'est pas un terme générique désignant n'importe quel vin mousseux.

Consciente du problème, la Commission européenne entend, pour sa part, mettre un terme à ces entorses aux règles de la propriété intellectuelle à l'occasion du nouveau "round" de négociations sur l'OMC prévue cette année.

Dans son rapport 2002 sur les "Barrières au commerce et à l'investissement aux Etats-Unis" elle a rappelé que "l'utilisation continue des indications géographiques de l'Union européenne sur des produits américains, notamment dans le secteur du vin, représente une source de frustration considérable pour les producteurs communautaires".

Une frustration d'autant plus grande que les produits alimentaires qui reprennent frauduleusement ces dénominations sont souvent de qualité inférieure. Les "chablis" américains -et dans une moindre mesure les "chablis" australiens, argentins, et chiliens- sont ainsi porteurs d'une image "bas de gamme". Une étude du Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB) soulignait que cette utilisation abusive "a sans doute pesé sur la commercialisation du chablis français" même si elle précisait que "la confusion entre les deux produits est faible dans l'esprit des consommateurs américains".

Il n'en reste pas moins que la production de "faux" chablis -essentiellement des Etats-Unis, qui se retrouvent premier producteur mondial de "chablis"- serait environ 7 fois plus importante que la production de chablis bourguignons (256 900 hl en 2001 pour une production mondiale estimée entre 1,3 et 1,6 millions d'hl) et qu'il "est très difficile de vendre du chablis sur le marché américain" affirme Bernard Hervet, chargé de défendre le chablis au sein du BIVB.

Pour mieux estimer le préjudice qui peut en résulter, il faut avoir à l'esprit que le chablis AOC se vend quatre fois moins aux Etats-Unis que les autres vins blancs bourguignons !

Une situation d'autant plus décourageante pour les producteurs de vin blanc de Bourgogne que, sur ce marché, comme sur de nombreux autres marchés d'exportation (les vins blancs représentent 73,5 % des exportations de vins de Bourgogne), le vin blanc est celui qui progresse le plus rapidement (+5 % en volume en 2002).

Aussi, puisqu'aux Etats-Unis la dénomination "champagne" peut être utilisée pour tous les vins effervescents, le nom "burgundy" (bourgogne) pour les vins rouges, et "chablis" pour les vins blancs, ces deux dernières appellations ont décidé de rejoindre prochainement le CIVC dans sa campagne. Même si la confusion entre les "vrais" et les "faux" est faible dans l'esprit du consommateur, et que la production des "faux" diminue régulièrement, il n'en demeure pas moins qu'elle crée un déficit d'image préjudiciable aux viticulteurs.

Reste à convaincre certains distributeurs et producteurs américains de cesser ces utilisations jugées "déloyales" par l'Europe. Il se peut toutefois que cela se fasse au prix de certains sacrifices qui pourraient passer par la reconnaissance de pratiques œnologiques interdites en Europe ou un abaissement des droits de douane.

L'Europe n'est d'ailleurs pas la seule à être exposée au problème des utilisations abusives. Les producteurs américains ont eux aussi des difficultés à faire respecter leurs appellations. C'est ce qui est dernièrement arrivé à l'Association californienne des producteurs de vins de la Napa Valley (Napa Valley vintners association) qui regroupe les principaux producteurs de cette région. Suite à un arrêt de la cour d'appel de Californie, la compagnie Bronco Wine a en effet été autorisée à poursuivre la vente de vins dont les raisins n'étaient pas récoltés dans la Napa Valley mais dont les dénominations (Napa Ridge, Napa Creek et Rutherford) caractérisaient pourtant des vins de cette région. L'association qui défend les vins de la Napa Valley n'entend pas en rester là et a décidé d'aller devant la Cour suprême des Etats-Unis.


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