Après deux jours de pourparlers de couloirs avec ses homologues, le ministre grec de l'Agriculture Giorgios Drys, dont le pays assure la présidence tournante de l'Union européenne, a montré mardi à Bruxelles un optimisme relatif sur ses chances d'arracher un compromis le mois prochain à Luxembourg. "On ne peut pas dire qu'il y a eu un changement majeur mais au moins tous les Etats membres se sont déclarés disposés à mettre les cartes sur la table et à travailler dans le sens d'un compromis", a-t-il déclaré. "La phase finale a démarré (...) La voie vers Luxembourg est semée d'embûches mais je pense que c'est une voie tout à fait praticable", a renchéri de son côté le commissaire européen à l'Agriculture Franz Fischler.
M. Fischler ambitionne de couper en 2004 tout lien entre les aides directes aux agriculteurs et le niveau de leur production, d'instaurer en 2007 une dégressivité de ces aides, de réorienter une partie des fonds dégagés vers le développement rural et d'utiliser le solde pour financer des réformes futures.
Mais son projet suscite depuis dix mois l'opposition ou les réserves des deux tiers des Quinze, emmenés par la France et l'Espagne, principales bénéficiaires de la PAC actuelle.
Rompant avec un discours public intransigeant, Paris a peut-être fait sauter lundi un premier verrou sur la voie d'un compromis.
Selon des sources européennes, le ministre français Hervé Gaymard a accepté en coulisses le principe d'un "découplage partiel" variant selon les secteurs et les régions. Une large majorité de pays semble désormais acquise à cette idée.
D'après ces mêmes sources, M. Gaymard a aussi proposé le transfert d'une partie des aides directes vers des projets de développement rural "à taux fixe de 4% par an". Il a suggéré d'appliquer ce système de "modulation" à toutes les exploitations et n'a pas exclu d'anticiper sa mise en oeuvre avant la date prévue de 2007.
"L'évolution française marque une avancée importante", a estimé mardi une source communautaire. "La Commission est ouverte au dialogue et ne fera pas preuve de dogmatisme", a lui-même promis M. Fischler, jusqu'ici arc-bouté sur son idée de découplage total des aides.
"Il reste encore de nombreux points de blocage", a souligné pour sa part un diplomate européen, mettant en garde contre tout optimisme démesuré d'ici à la négociation marathon qui s'ouvrira le 11 juin à Luxembourg.
De fait, la dégressivité des aides continue de hérisser notamment l'Espagne, l'Irlande et la France, qui rejette aussi la volonté de la Commission de réduire les prix d'intervention sur le lait et les céréales.
Le consensus sur le découplage partiel n'est lui aussi qu'apparent: sa définition varie d'un Etat membre à l'autre.
Des pays comme l'Espagne préconisent un découplage épargnant certaines productions, d'autres un scénario touchant tous les secteurs dans des proportions variables. L'Allemagne prône un découplage progressif sur cinq ans.
M. Fischler a réitéré mardi ses mises en garde contre tout système qui induirait "davantage de bureaucratie" ou, faute d'aller suffisamment loin, fragiliserait la position de l'UE dans les négociations sur la libéralisation des échanges au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC).
L'annonce par la ministre allemande Renate Kuenast d'une rencontre avec M. Gaymard à Berlin le 10 juin a éveillé les spéculations sur un éventuel projet de compromis franco-allemand, comparable à celui qui avait débloqué en octobre 2002 les discussions des Quinze sur le financement de la PAC dans l'UE élargie. |