La réforme décidée jeudi par les Quinze prévoit notamment un découplage partiel des aides directes aux agriculteurs du niveau de la production et surtout une baisse de certains prix d'intervention qui soutiennent les cours dans les pays de l'Union européenn. Elle réduira donc la concurrence jugée déloyale de l'UE dans ses échanges agricoles avec le reste du monde. L'accord sur la PAC permet d'"aborder avec optimisme l'échéance de Cancun", et renforce la "position" des Européens lors des négociations à l'OMC, a aussitôt souligné le commissaire européen à l'Agriculture Franz Fischler. Selon lui, l'UE a renoncé à "un système ancien qui entraînait en partie des distorsions de concurrence" et "qui était en butte à de vives critiques des pays en développement". Pour le ministre grec de l'Agriculture, Georgios Drys, dont le pays assure jusqu'à la fin du mois la présidence de l'UE, il s'agit d'un "message pour nos partenaires de l'OMC". "A Cancun, l'UE aura une position forte", a-t-il affirmé. Les subventions agricoles européennes étaient décriées à la fois par les pays en développement, le groupe de Cairns regroupant 18 pays exportateurs, et les Etats-Unis, qui pourtant eux-mêmes subventionnent par divers mécanismes leurs agriculteurs. Les négociations ouvertes par le cycle de Doha pour la libéralisation des échanges butaient depuis plusieurs mois sur le dossier agricole. "Aucun sujet ne prête autant à controverse que l'agriculture", faisait remarquer mercredi le directeur-général adjoint de l'OMC, Francisco Thompson-Flores. Les Etats-Unis rejetaient jusqu'à présent sur l'UE et sa PAC la responsabilité de l'impasse des négociations à l'OMC. Fort de l'accord obtenu jeudi, le commissaire Fischler est parti à l'offensive contre les Etats-Unis: "le capital de négociations donné par cette réforme ne pourrait être utilisé efficacement au sein de l'OMC qu'à condition que nous bénéficions de contre-parties", a-t-il prévenu. "Il n'y aura pas de désarmement unilatéral de l'UE", a-t-il ajouté. Selon lui, il appartient désormais "aux autres de faire des progrès" dans l'ouverture de leurs marchés agricoles. "Et j'en ai pas vu du côté des Américains", a-t-il regretté, en relevant que les Etats-Unis "ont ravivé leurs anciennes réglementations pour soutenir leurs agriculteurs". L'UE va pouvoir a présent se battre à l'OMC pour les objectifs qu'elle juge essentiels, comme la "protection des appellations d'origine" et les "crédits à l'exportation" accordés par les Américains à leurs agriculteurs, indique-t-on de source communautaire à Bruxelles. Mais les Quinze ne vont pas pour autant modifier leurs propositions pour la libéralisation des échanges agricoles présentées en janvier dernier "qui vont déjà loin et sont généreuses", ajoute-t-on de même source. L'UE avait proposé une baisse de 45% des subventions à l'exportation, de 55% du soutien aux produits agricoles et une réduction de 36% en moyenne des droits de douane, mais à condition que leurs partenaires à l'OMC en fassent autant. Le commissaire européen au Commerce Pascal Lamy, qui a mandat pour négocier au nom des Quinze à l'OMC, a désormais des cartes en mains pour réclamer plus de souplesse aux Etats-Unis sur les autres dossiers qu'ils bloquent à l'OMC comme l'accès des pays pauvres aux médicaments et le traitement différencié des pays en développement. |