La maladie de la flavescence dorée menace-t-elle le vignoble français ? Après avoir fortement touché le département de l'Aude dans les années 80, la progression de cette grave maladie qui nécessite un arrachage obligatoire des ceps malades, voire des parcelles entières, tend à se poursuivre.
"Géographiquement, le nombre de communes touché dans le vignoble français a augmenté et la maladie progresse chaque année", indique Jean-Michel Trespaillé de la Protection des végétaux de l'Aude.
"Dans les 5 grandes régions touchées (Poitou-Charente, Aquitaine, Midi-Pyrennés, Languedoc-Rousillon, Rhône-Alpes), 300 000 hectares sont en lutte collective obligatoire, rappelle-t-il. A l'intérieur de ces périmètres de lutte, la situation s'améliore très nettement. Et en dehors du périmètre, le nombre de communes touchées connait un ralentissement important".
Repérée pour la première fois en Armagnac, cette maladie s'est répandue depuis les années 70 sur une partie toujours plus vaste du vignoble français. Originaire d'Amérique, elle est due à une sorte de bactérie, le phytoplasme (ou mycoplasme), qui est véhiculée par la cicadelle de la flavescence dorée appelée aussi cicadelle jaune (Scaphoïdeus titanus). C'est ce vecteur -qui se différencie par sa couleur de la cicadelle verte-, qui est à l'origine de la propagation de la maladie.
"Les foyers de contamination les plus forts sont dans le sud de la France où la cicadelle bénéficie de conditions climatiques favorables à son extension", principalement dans les Pyrénées-Orientales, le Languedoc-Roussillon, mais aussi en Gironde et en Dordogne.
Des cas ont aussi été repérés plus au nord, en Poitou-Charentes, et un foyer isolé a été enregistré dans le Beaujolais en 1999. "Si la maladie est plus particulièrement concentrée dans le sud de la France, on a toutefois déjà rencontré des cicadelles non porteuses de la bactérie dans la vallée de la Loire", constate Jean-Marc Rolland, de la Chambre d'agriculture d'Indre-et-Loire. Jusqu'à présent la cicadelle est peu présente dans les zones viticoles septentrionales du vignoble français, confirme Pierre Speich de la Protection des végétaux de Provence. Elle est même totalement absente d'Alsace, "mais rien ne permet d'affirmer que des foyers de flavescence ne pourraient pas apparaître dans certaines parties de ces zones".
Jusqu'ici épargné par le phénomène, le sud-est et la Savoie sont dorénavant eux aussi touchés. "Fin 2001, les premiers cas ont été détectés dans la Drôme. L'an dernier, quatre communes du Vaucluse ont à leur tour été touchées", explique Pierre Speich qui se veut toutefois rassurant. "Ces cas restent localisés. Mais attention, la propagation de la maladie peut s'avérer rapide. Il faut donc rester particulièrement vigilant et faire un travail de sensibilisation auprès des viticulteurs en expliquant le phénomène".
Dans des vignobles exempts de flavescence, les symptômes ne sont effectivement pas connus lorsqu'ils apparaissent. "Les symptômes sont semblables à ceux de la maladie du bois noir", explique Marie-Catherine Duffour de la Chambre d'agriculture de Bordeaux. "Les feuilles s'enroulent et prennent une coloration rouge sur cépages rouges et jaune sur cépages blancs. On constate par ailleurs l'absence d'aoûtement des bois et la perte totale des grappes. Lorsqu'un foyer se déclare, précise-t-elle, c'est qu'a priori la maladie a été transmise par la cicadelle l'année d'avant, mais on sait que la période d'incubation peut être de 4 à 5 ans". La maladie peut donc avoir progressé pendant ce temps.
Pour les domaines touchés, les conséquences économiques de cette maladie peuvent s'avérer financièrement très lourdes. Une fois la maladie déclarée, il faut en effet arracher les ceps malades. S'agissant d'une "maladie de quarantaine", les seuls moyens de lutte efficaces passent effectivement par l'élimination du vecteur (par une campagne de traitements par insecticide) et par un arrachage systématique des pieds isolés contaminés. L'arrachage total des parcelles est même obligatoire quand plus de 20 % ou plus de 30 % (selon les départements) des pieds sont atteints. Dans l'Aude, c'est près de 5 000 hectares qui avaient ainsi dû être arrachés dans les années 90.
La prévention est donc capitale pour limiter les risques de propagation de la flavescence. En Gironde, où les viticulteurs connaissent dorénavant bien les symptômes, on ne relève plus de gros foyers comme il y a quelques années, assure Marie-Catherine Duffour. "Aujourd'hui, ce sont effectivement plus souvent des pieds isolés atteints que l'on rencontre dans les vignes. La pression est moins forte mais une grande partie du vignoble reste touchée. Il faut bien évidemment rester vigilant et poursuivre les campagnes de traitements, et les campagnes d'informations".
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