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Champagne L'industrie du champagne prise entre Washington et Bagdad

REIMS, 6 mars (AFP) - L'industrie du champagne hésite entre l'euphorie d'une excellente récolte 2002, de ventes en progression notamment aux Etats-Unis, et les perspectives peu réjouissantes d'un éventuel boycott américain sur les produits français ou de récession, provoqués par le conflit irakien.

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Les dégustations des "vins clair", c'est à dire des vins issus des vendanges 2002 avant les assemblages et la "prise de mousse", ont relancé l'euphorie champenoise. Une année relativement sèche et un mois de septembre ensoleillé ont donné des vins "qui montrent une expression très marquée des terroirs". Une palette de goûts qui permettra l'élaboration d'un "millésime" champenois, réservé aux meilleures années. Les oenologues des grandes maisons comme du Syndicat général des vignerons (SGV), expriment cette euphorie : "vendange marquante... digne des meilleures années de l'histoire de la Champagne". De plus, avec plus de 287 millions de bouteilles vendues en 2002, la Champagne a établi un record de ventes (hors "bulle" de l'an 2000), caractérisé par une forte consommation domestique et une forte progression (+33%) sur le marché nord-américain. La Champagne devient la première région viticole française.

Paradoxalement ces résultats soulignent des facteurs de faiblesse, en cas de tentative de boycott américain ou de fort ralentissement de la consommation dans le contexte d'une guerre annoncée en Irak. Ghislain de Montgolfier, qui dirige la célèbre maison Bollinger, fortement exportatrice, a exprimé cette inquiétude sur les ondes d'une radio régionale cette semaine. Immédiatement contredit par le représentant de Lanson à New York, pour qui "le Champagne est irremplaçable, donc ne sera pas remplacé". La Champagne a toutefois gardé le souvenir de la crise de 1992-94, provoquée par une baisse drastique des ventes après la guerre du Golfe, immédiatement après une période d'euphorie et de forte augmentation des prix du raisin. La compression soudaine des expéditions, alors que le kilo de raisin se négociait à la hausse, avait pris notamment les grandes maisons dans "un effet ciseau", assèchant les trésoreries, provoquant des baisses de revenus des viticulteurs et un mouvement de restructurations et concentrations douloureux pour tout le secteur.

La Champagne viticole se trouve donc cette année dans un contexte comparable. L'appellation est à sa limite de production, autour de 300 millions de cols, et ses ventes approchent cette production. L'interprofession, vignerons et maisons, doivent après une longue période de croissance par les volumes, envisager une gestion de la rareté. Avec bien entendu des tensions haussières des prix du raisin, entretenues par la raréfaction relative d'un produit que tous les négociants convoitent pour alimenter leurs ventes.

Tant le président du SGV, Philippe Feneuil, que celui de l'Union des Maisons, Yves Bénard, multiplient les appels à la raison, pour ne pas tuer la poule aux oeufs d'or. La négociation sur le renouvellement de l'accord interprofessionnel tri-annuel d'augmentation du prix du raisin, et donc du revenu des vignerons, semble s'engager sur une note de modération : le SGV estime raisonnable une progression de 2 euros en trois ans sur le prix moyen d'une bouteille. "Les gains devront se faire sur le prix de vente, par une démarche qualitative qui permette au champagne, aujourd'hui légèrement sous-évalué, de retrouver un niveau de prix en rapport avec ceux des vins des autres grandes régions", explique M. Feneuil.


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