L'année 2003 avait confronté la vigne à deux extrêmes météorologiques: de violentes gelées en avril, qui ont réduit de moitié la vendange (7.000 kg/ha contre 11.000 à 12.000 kg/ha en moyenne), puis de fortes chaleurs en août, qui ont empêché les bactéries de se développer et garanti un bon état sanitaire de la vigne. Cette année, pour les quelque 30.000 hectares de l'appellation, "le rendement moyen estimé pourrait se situer autour de 18.000 kg/ha", estime le Comité interprofessionnel du vin de Champagne (CIVC) dans sa note technique. Chaque pied contient déjà plus de 25 grappes en moyenne, contre une quinzaine habituellement. "C'est naturel: la vigne se rattrape, elle compense par rapport à l'an dernier", explique Bernard Beaulieu, secrétaire général de l'intersyndicat CGT du champagne.
Pendant la floraison en juin, des capteurs à pollens, disposés à proximité des vignes, avaient déjà permis, par de savants calculs, de pressentir une telle abondance de raisins, confirmée par le comptage des grappes au m2. Toutefois, la profession, qui s'attend à donner les premiers coups de sécateurs autour du 20 septembre, ne vendangera qu'une partie des vignes, en raison des quotas imposés à la profession, fixés à environ 10.000 kg/ha, soit 300 millions de bouteilles. "On va être obligé de mettre une partie des raisins au sol, pour ne pas en avoir trop", prévoit Patrick Manceaux, récoltant-manipulant à Rilly-la-Montagne (Marne). Cette abondance permettra surtout aux vignerons champenois de reconstituer leur réserve qualitative (environ 1.000 kg/ha), un "matelas" qui permet de produire un nombre de bouteilles à peu près équivalent chaque année et qui avait servi l'an dernier à compenser la pénurie de raisins.
Avoir beaucoup de raisins n'est toutefois pas gage de qualité, l'acidité, qui offre une meilleure qualité et une plus longue durée de conservation au champagne, pouvant se diluer entre les différentes grappes. Daniel Lorson, porte-parole du CIVC, rappelle cependant que la vendange de 1982 était à la fois très abondante et de qualité exceptionnelle. Par précaution, certains vignerons couperont, d'ici à la fin du mois, une partie des grappes pour alléger la vigne et assurer une meilleure concentration du sucre et de l'acidité.
L'absence de gelées cet hiver et les températures douces du printemps laissent présager une cuvée "qui a de bonnes chances d'être exceptionnelle", selon Bernard Beaulieu. Exceptionnelle, enfin si la météo continue d'être clémente, sans grêle mais avec beaucoup de soleil au mois d'août, qui "fait le raisin" selon la formule consacrée.
Le prix du raisin le plus cher du monde (4,25 euros le kilo en 2003), devrait quant à lui rester raisonnable: "grâce aux perspectives d'une vendange abondante, la pression sur le prix du kilo de raisins s'est relâchée", assure le porte-parole du CIVC. |