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Fruits/légumes Les maraîchers du sud-est "pourrissent" les supermarchés

AVIGNON, 5 août 2004 - Accusées de pratiquer des marges destructrices pour les producteurs de fruits et légumes, plusieurs grandes surfaces d'Avignon ont été la cible jeudi d'actions coup de poing de maraîchers du Vaucluse, tentant au passage de sceller une alliance d'intérêt avec les consommateurs.

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Une odeur pestilentielle envahit les entrées de l'hypermarché Carrefour d'Avignon, attisée par la moite chaleur de la mi-journée. D'une citerne, plusieurs centaines de litres de lisier de porc viennent d'être lâchées, formant avec quelques tonnes de melons éclatés une mélasse à vomir. La centaine de maraîchers du Vaucluse et des environs, une fois leur forfait accompli, passent à la suite. Direction Lidl, Leader Price, Casino et Auchan, "visités" promptement selon un scénario identique et rodé.

Devant ses hommes en colère, le vice-président de la Fédération départementale des syndicats agricoles (FDSEA), Christian Gély, avait souligné: "il faut se mettre les consommateurs avec nous, il ne faut rien casser!". Les pieds dans des monceaux de tomates concassées, Gérard Roche, président de la commission légumes du syndicat départemental, implore à son tour ses troupes de "ne pas faire mal au consommateur" dans leurs jets de projectiles. Batteleur visiblement amusé, il engage du geste et de la voix les clients, au départ hésitants, à faire leur marché gratis. "C'est insupportable d'entendre dire que les fruits et légumes sont chers, alors que nous, nous nous ruinons à les produire. La grande distribution pourrit notre campagne, alors nous pourrissons leurs magasins!", tonne-t-il encore. Formules choc, chiffres en main : le melon est acheté 0,30 à 0,40 euro pièce, pour être revendu 2 à 2,50 euros.

L'accord passé mardi entre les producteurs du Bassin Rhône-Méditerranée (BRM), plus grosse zone de production de France, et le fournisseur d'Intermarché en PACA, pour limiter les marges, fait encore office d'exception. Jugé partenaire acceptable, Intermarché n'a donc pas eu droit à l'avalanche de melons au purin jeudi. Mais en attendant la conclusion d'autres contrats similaires, les producteurs jouent l'alliance d'intérêt avec les consommateurs. Avec un certain succès d'estime.

"Etre obligé de gâcher des heures de travail pour manifester son désarroi, c'est terrible. J'ai travaillé dans les champs en Israël, je sais ce que c'est", compatit Myriam, la cinquantaine, enseignante à Paris. Un chariot rempli de melons piochés devant Casino, Pascal et Josette Falco, commerçants retraités, approuvent l'opération : "quelle autre cible ont-ils? Des melons, cette année, nous n'en avons pas encore goûté. C'est trop cher". "Nous aussi, nous sommes consommateurs! Ma femme, au supermarché, elle voit les prix pratiqués... Et les dix plus grosses fortunes de France, ce ne sont ni des paysans, ni des consommateurs!", s'exclame André Serri, exploitant dans le Luberon.


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