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Marché Tonnelier: un métier artisanal transformé par la mode des vins boisés

SAINT-EUGENE (Charente), 28 août 2004 - Loin de l'image d'Epinal du tonnelier martelant sa barrique dans une grange pittoresque, Francisco Loureiro travaille dans un entrepôt flambant neuf, au coeur du vignoble charentais, avec un nouveau système de fabrication qu'il compte breveter.

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Avec la vogue mondiale des "vins élevés en fûts de chêne", les années 80 ont transformé un métier artisanal hérité des Gaulois: la production de barriques a explosé, les chercheurs ont multiplié les études sur la mystérieuse alchimie entre le bois et le vin, les techniques ont évolué et les ateliers traditionnels se sont industrialisés. Aujourd'hui, alors le secteur compte entre 60 et 70 tonnelleries en France, une dizaine de professionnels réalise 70% de la production - de l'ordre de 300.000 unités par an -, dont près de la moitié pour l'exportation, selon les chiffres de la Fédération française des tonneliers.
Loin des plus gros fabricants, qui produisent plus de 80.000 barriques par an, Francisco Loureiro et ses trois ouvriers se limitent à 8 fûts par jour. Le tonnelier charentais, qui a appris le métier aux côtés de son père ouvrier, n'en a pas moins mécanisé une partie du processus de fabrication. "Il faut savoir évoluer", souligne l'artisan au physique forgé par les 3.500 coups de marteaux quotidiens qu'exige le métier.

Dans son atelier, seule la chauffe du bois, qui permet d'incurver puis de cintrer les "douelles" (planches) à la chaleur du feu, reste entièrement manuelle, pour "mieux doser les arômes qui se transmettront au vin". "Dans la tonnellerie, il y a deux choses primordiales: la qualité du bois et la chauffe de la barrique. A chacun à ses secrets" explique Francis Loureiro.

Lui-même a mis au point un système de "chauffe intégrale" en collaboration avec un jeune professionnel bordelais. Cette innovation permet, selon lui, de limiter l'astringence, d'adoucir le tanin et de prolonger la durée de vie des barriques. Francis Loureiro surveille tout, depuis la qualité des douelles jusqu'au ponçage des fûts qui seront ensuite expédiés dans le Bordelais et en Bourgogne mais aussi en Californie, en Australie et en Afrique du Sud. Il dit "travailler sur mesure en discutant avec les clients pour savoir ce qu'ils veulent apporter à leur vin".

Depuis quelques mois, son système de chauffe intégrale est un argument commercial supplémentaire. "Avec la crise viticole, les temps sont durs, seuls ceux qui apportent un plus aux clients vont surnager", souligne celui qui, à 39 ans, compte 20 ans de métier. Car, après l'euphorie, c'est la déroute. L'activité du secteur a baissé d'environ 30% en trois ans, selon les estimations des professionnels.

Ces derniers mois, la concurrence devient "dure et agressive", comme le dit le tonnelier. D'autant que la possible légalisation de l'usage des copeaux de bois pendant la vinification laisse présager un nouveau tournant pour la profession, alors qu'un vin élevé en barrique revient quatre fois plus cher qu'un vin "infusé" au bois.

La tradition raconte qu'à l'origine, les premières barriques s'utilisèrent pour le transport et le stockage, en remplacement des amphores romaines, trop fragiles. L'expérience a ensuite montré que le chêne modifiait agréablement le goût du vin.


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