Selon le professeur en santé publique et inspirateur de la loi Evin, Claude Got, cet assouplissement, qui concerne le vin et les alcools régionaux, pourrait conduire à une augmentation de 10% de la consommation ce qui aboutira "à 3 000 à 5 000 morts de plus par an". Cet amendement à une loi sur la ruralité est "irresponsable", "consternant" pour l'Association nationale de prévention en alcoologie et en addictologie (ANPAA). C'est une décision "pathétique et pitoyable", "clientéliste", dénonce Philippe Batel, responsable du département alcoologie à l'hôpital Beaujon à Paris qui reçoit 4 000 alcooliques par an.
Pour Alain Morel, président de la Fédération française d'addictologie, "le Parlement s'est déconsidéré", tandis que selon Claude Got, le ministre de la Santé Philippe Douste-Blazy "a aggravé son image de ministre qui parle mais est incapable d'agir".
La veille du vote, mardi soir, le ministre a reçu des médecins et des militants pour leur expliquer qu'il aurait du mal à empêcher l'adoption de l'amendement mais qu'il s'y opposerait, selon plusieurs participants. "Le moins que l'on puisse dire est qu'il l'a fait mollement", regrette l'un d'eux qui lui reproche de n'avoir pas présenté d'amendement gouvernemental pour contrer les parlementaires. "C'est le bal des faux culs. Les jeux étaient faits en janvier quand des parlementaires ont été reçus à Matignon où ils étaient venus chercher des assurances", estime un autre. "Comment peut-on parler de santé publique et d'un trait de plume envoyer à la mort et à la souffrance des milliers de personnes ? Comment peut-on être ferme sur le tabac et laxiste sur l'alcool ?", demande le professeur Michel Reynaud, chef du service d'addictologie de l'hôpital Paul-Brousse de Villejuif.
Selon les chiffres de l'Inserm, l'alcool tue 45 000 personnes par an (suicides, accidents de la route, maladies,...), soit plus que le tabac (40 000). Il est à l'origine d'un cancer sur quatre, d'un suicide sur deux, d'un handicap sévère sur trois et est présent dans la moitié des crimes et délits. Cet amendement est "en contradiction avec les trois priorités du chef de l'Etat pour son quinquennat, la sécurité routière, la lutte contre le cancer et la lutte contre le handicap", relève l'ANPAA. "Dire que le vin est moins dangereux que les autres alcools est une connerie sans nom. Le problème d'alcoolisme des deux-tiers de mes patients est lié au vin", selon le Dr Batel. "Ce signe de relâchement, alors que la consommation d'alcool chez les jeunes augmente, est mal venu", reconnaît Didier Jayle, le président de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt), qui dépend de Matignon. En juillet Didier Jayle expliquait que l'objectif de baisse de la consommation d'alcool de 20% en cinq ans, inclus dans la dernière loi de santé publique, ne pourrait être atteint en cas d'assouplissement de la loi Evin. "Depuis son adoption en 1991, les députés n'ont fait que tailler et retailler la loi Evin. Leur objectif final c'était sa mise à mort. C'est fait", conclut Jacques Randu, président de l'association d'aide aux alcooliques La Croix d'Or. |