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Société La consommation alimentaire en France dans un trou d'air

La consommation alimentaire des Français est actuellement dans un trou d'air, avec une dégringolade en volume combinée à une baisse des prix qui accentue la chute en valeur, et les perspectives sont peu encourageantes, remarquent les économistes.

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Contrairement au premier semestre, a souligné Emmanuel Ferry, analyste chez Exane, cette baisse de la consommation démarrée fin 2003 n'est plus compensée par un report sur les achats de biens manufacturés non alimentaires, dont la consommation a elle aussi baissé au 3ème trimestre de 0,7 %, selon les chiffres de l'INSEE parus jeudi.

L'économiste d'Exane souligne cette semaine dans une analyse, que l'alimentaire en France est dans un environnement clairement "déflationniste", avec l'accélération de la diminution des achats alimentaires dans le PIB en volume depuis 2003.

En glissement annuel, la consommation alimentaire s'est retournée : son évolution est devenue négative depuis fin 2003, fluctuant entre -3,2 % au dernier trimestre 2003 et -1,6 % au 2ème trimestre 2004, dernier chiffre connu.

"Un tel effondrement était inédit depuis le creux ponctuel de 1981", commente Emmanuel Ferry, pour qui cette baisse en volume s'explique largement par la hausse des prix alimentaires depuis 1996, très supérieure à celle des biens manufacturés.

Les consommateurs sélectionnent maintenant leurs achats vers les produits à plus bas prix, une pression à la baisse qui risque de s'accentuer si la loi Galland est remise en cause et que se déclenche une guerre des prix dans la grande distribution. Mais déjà les prix alimentaires stagnent et amorcent une baisse qui devrait s'accentuer ces prochains trimestres, estime-t-il.

Selon le panel AC Nielsen, les achats en grandes et moyennes surfaces (produits de grande consommation et frais en libre service) ont encore diminué de 1,8 % en septembre.

"Un retour vers le niveau de 1998 signifie une baisse des prix de 5 % par rapport à l'inflation globale et de 7 à 8 % par rapport aux prix alimentaires actuels", souligne-t-il. Et si on suppose une convergence de la France vers l'Allemagne ou le Royaume-Uni, cela suppose une baisse des prix de 8%.

Mais même une baisse massive ne devrait produire qu'une "correction du trou d'air" en 2005 avec "très peu de chances de soutenir les volumes" car "l'élasticité de la demande aux prix est actuellement très faible dans l'alimentaire".

La France risque ainsi de suivre l'exemple hollandais, où les prix se sont effondrés de 10 % depuis un an suite à la forte hausse des années précédentes, sans redémarrage des volumes.

Cette analyse est partagée par Goldman Sachs, qui au plan européen prévoit un retour aux "nerveuses années 90": une pression accrue sur les prix des biens de grande consommation, surtout alimentaires, et donc sur les marges des fabricants et des distributeurs, accompagnée d'un ralentissement des volumes.

Dans une note publiée jeudi, Goldman Sachs note que l'écart entre les prix des marques nationales et des marques de distributeurs s'est tant élargi que le consommateur regarde davantage les prix, délaisse les marques ou choisit les magasins de "hard discount".

"L'arme la plus probable des distributeurs et industriels de grandes marques sera de baisser leur prix pour regagner du volume", souligne la banque d'investissement, rappelant que plusieurs groupes de grande consommation ont publié des avertissements sur résultats (Colgate, Unilever, Coca-Cola).

A plus long terme, Goldman Sachs s'attend à une "concentration accrue" du secteur de la distribution, qui intensifiera la pression des prix sur les industriels. Les distributeurs devraient aussi accentuer leurs arbitrages pour leurs achats internationaux, privilégiant les producteurs les moins chers pour leurs marques de distributeurs qui pourraient prendre encore plus de place dans les rayons.

Des groupes comme Unilever, Danone et Nestlé sont particulièrement exposés à la concurrence des marques de distributeurs, conclut Goldman Sachs.


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