Les Etats-Unis ont décidé mardi de suspendre leurs importations de charcuteries et foies gras français pour des motifs sanitaires. Quelques heures auparavant, à Bruxelles, la Commission européenne avait décidé de suspendre les importations de tous les oiseaux vivants et les oeufs en provenance des Etats-Unis, suite à l'apparition d'un nouveau virus de la grippe aviaire au Texas (sud), comme la Corée du Sud ou le Brésil avant elle.
L'Asie, depuis l'apparition de la grippe aviaire en Corée du Sud à la mi-décembre et son extension à neuf autres pays, avait été la première frappée par de multiples mesures de rétorsions sur ses exportations de volailles. Après la vache folle, le SRAS et la fièvre aphteuse, la grippe aviaire a introduit une nouvelle inconnue sanitaire dans des échanges commerciaux mondiaux déjà secoués par des conflits sectoriels (acier, coton, OGM, banane...) où le soupçon de protectionnisme déguisé n'est jamais loin.
"Avec la grippe aviaire, on s'aperçoit une nouvelle fois que l'internationalisation des échanges peut être dangereuse, avec des maladies qui se répandent avec une facilité étonnante entre les pays", explique Michel Fouquin, directeur adjoint du Centre d'études prospectives et d'information internationales (CEPII, Paris).
"Les pays ont tendance à prendre des mesures très vite, pour rassurer leur opinion publique, qui est aujourd'hui très informée de ce qui se passe dans le monde", ajoute-t-il. Après l'épidémie de SRAS l'an dernier, l'Asie subit de nouveau les conséquences économiques néfastes d'une alerte sanitaire.
Même chose pour les Etats-Unis, où la découverte de la grippe aviaire s'ajoute à celle, en décembre dernier, d'un premier cas de vache folle, sanctionné par une cascade d'embargos nationaux sur le boeuf américain, qui s'élèvent à quelques 3 milliards de dollars par an.
Mais l'urgence sanitaire n'empêche pas la contestation, notamment entre l'Europe et les Etats-Unis, qui ont déjà un lourd passif de contentieux commerciaux entre l'acier, les OGM ou le boeuf aux hormones. "Nous avons appris par le passé que le gouvernement européen n'agit pas toujours sur des bases scientifiques", a souligné James Sumner, président du Comité américain des exportateurs d'oeufs et de volailles, en évoquant des exigences "drastiques qui n'ont rien à voir avec la sécurité alimentaire".
"La France ne partage ni les constats qui ont été effectués par les autorités américaines, ni les conclusions qu'elles ont cru devoir en tirer", a de son côté déclaré le ministère français de l'Agriculture, en réaction à la suspension des importations américaines de charcuteries et foies gras français.
Mercredi, la Commission européenne a "regretté" que les Etats-Unis aient suspendu les importations de produits de viandes français, tout en écartant l'idée que la décision américaine puisse revêtir un caractère politique et soit liée à la décision européenne sur les volailles américaines.
"Une mesure peut être suspectée d'être protectionniste si elle n'a été prise que par un pays, ou si les échanges concernés sont importants. Cela était le cas pour l'acier, ça l'est beaucoup moins pour la grippe aviaire ou les foies gras français", note de son côté M. Fouquin. |