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Sucre La demande des PMA à l'Union européenne souligne les contradictions du libre-échange

La demande des pays moins avancés (PMA) d'un accès garanti et rémunérateur au marché sucrier de l'UE pourrait paradoxalement les faire apparaître comme des alliés des producteurs de sucre européens dans les grandes batailles en cours au sein de l'OMC sur la libéralisation des échanges agricoles.

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Au cours d'une rencontre mercredi à Bruxelles avec les commissaires Pascal Lamy (commerce) et Franz Fischler (agriculture), les ministres du commerce représentants certains des pays les plus pauvres (Soudan, Mozambique, Bangladesh, Ethiopie) ont demandé que l'UE multiplie pratiquement par vingt d'ici 2012/2013 ses importations de sucre venant des PMA, hors tarif douanier mais aux prix très rémunérateurs garantis aux producteurs européens.

De 98.110 tonnes pour la campagne 2003/2004, ces importations préférentielles monteraient à 1,6 million de tonnes en 2012/2013 et au-delà. En clair, les PMA ont mis en garde contre une réforme du régime sucrier européen, envisagée par la Commission européenne pour 2006, qui se traduirait par une baisse trop forte des prix et annulerait l'accès préférentiel accordé aux PMA avec l'initiative "Tout sauf les armes".

Lancée en 2001, elle a ouvert le marché de l'UE à leurs produits, à l'exception des armements, sans tarifs douaniers et sans quotas, y compris le sucre après 2008. "Nous allons évaluer leurs demandes, mais il est inévitable qu'il y ait une baisse des prix intérieurs et une ouverture supplémentaire du marché européen", a indiqué à l'AFP une source communautaire, à l'issue de la rencontre.

Jugé "insoutenable" par M. Fischler et "scandaleux" pour une organisation non-gouvernementale comme Oxfam, le régime sucrier européen est en effet un cas d'école pour une réforme radicale de la politique agricole commune (PAC). Les prix garantis à des producteurs européens non compétitifs (632 euros la tonne pour le sucre blanc) sont trois fois supérieurs aux cours mondiaux. Ils pénalisent lourdement les consommateurs, utilisateurs et contribuables européens, puisque le coût des soutiens au secteur sucrier atteint 1,4 milliard d'euros par an.

Selon Oxfam, le régime sucrier est en outre, comme bien d'autres dispositifs de la PAC, profondément inégalitaire. 5% des exploitations, les plus grandes, reçoivent le tiers des subsides. Et l'UE peut se permettre d'exporter grâce à des subventions qui faussent les échanges internationaux. Pour Kevin Watkins, patron de la recherche d'Oxfam, "ce que nous avons dans l'UE est un système qui fonctionne comme un cartel" au profit de quelques grandes entreprises (British Sugar, Beghin-Say, Azucarera Ebro, etc.), dont la plupart sont en outre en situation de monopole sur leur marché national.

Le problème est que le démantèlement pur et simple de ce régime bénéficierait avant tout aux pays producteurs les plus compétitifs. Un mémorandum interne au groupe des PMA, obtenu par l'AFP, souligne qu'aujourd'hui ces pays "ne sont pas en mesure de lutter avec les grandes industries sucrières solidement établies dans des pays comme le Brésil, l'Australie et la Thaïlande. Les industries des PMA ont besoin de temps et d'investissement pour atteindre une compétitivité à l'échelle mondiale".

D'où la demande à l'UE d'élargir considérablement l'accès préférentiel accordé aux PMA jusqu'en 2015/2016, mêle si cela signifie le maintien de quotas d'importation et de prix garantis élevés qui protègent les producteurs européens.


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