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International La Russie exporte à nouveau ses céréales mais l'agriculture n'est pas sauvée

KALOUGA (Russie), 2 avr (AFP) - La Russie est en passe de retrouver le rôle de grand pays exportateur de céréales qui était le sien à la fin du XIXe siècle, mais elle reste massivement importatrice de produits alimentaires, faute d'avoir trouvé un modèle de développement équilibré.

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Le nouveau premier ministre russe, Mikhaïl Fradkov, a assuré que l'un des objectifs prioritaires de son gouvernement serait le renforcement du secteur agricole et devrait continuer à donner la première place à la production céréalière.

Après une dizaine d'années d'effondrement de la production agricole, "le retour des céréales russes sur le marché de l'exportation en 2002" après une bonne récolte de 87 millions de tonnes de céréales, "a surpris les Européens qui ont commencé à craindre la concurrence des grains de la mer Noire", explique Christophe Cordonnier, économiste au Programme des nations unies pour le développement (Pnud).

De mauvaises conditions climatiques l'année dernière ont limité la récolte à 67,2 millions de tonnes, mais la Russie table sur 75 Mt cette année.

Mais depuis la fin de l'URSS, la Russie a perdu la moitié de son cheptel et est devenue importatrice massive de viande, beurre et même légumes.

Elle est aussi grande consommatrice de produits alimentaires transformés étrangers, qu'elle n'arrive plus à produire en quantité suffisante après le démantèlement des filières soviétiques.

En outre "la marge des exportations de blé est inférieure à l'amortissement du matériel nécessaire pour continuer à produire autant" et le secteur est très endetté et n'a plus les moyens d'investir, explique Jean-Jacques Hervé, du ministère de l'Agriculture français.

Pour devenir plus rentable, il faudrait à l'agriculture russe une diversification, grâce aux fermiers privés, estime ce spécialiste.

"La Russie peut, sous réserve de politiques agricoles efficaces et de relance de l'investissement, renforcer à l'avenir ses filières intensives en travail comme l'élevage, la production légumière ou l'horticulture, des secteurs où elle est extrêmement dépendante des importations", souligne Christophe Cordonnier.

Mais "le budget d'aide de l'Etat donne les larmes aux yeux", et ni les banques ni les sociétés de leasing agricoles ne veulent travailler avec les petits exploitants, déplore Lioubov Roudikova, agricultrice et député.

Le niveau de l'aide à l'agriculture russe représente 10% de la valeur de la production, soit le quart de ce que reçoivent les agriculteurs européens.

Or le développement des campagnes est un enjeu social majeur en Russie. La moitié des ruraux vivent aujourd'hui sous le seuil de pauvreté.

Malgré la réforme foncière adoptée en 2002 qui permet désormais les transactions sur les terres, la structure des exploitations agricoles a peu changé.

Les grandes exploitations collectives héritées des kolkhozes et les petits lopins individuels cultivés en parallèle par les paysans fournissent l'essentiel de la production, alors que les fermes privées n'en représentent que 3%.

Le développement de holdings agroalimentaires (exploitations de grande taille contrôlées par de puissants hommes d'affaires qui achètent aussi les usines de transformation du secteur) "sans le développement de petits entrepreneurs présente un risque d'évolution vers une agriculture sud-américaine", avec de grands propriétaires exerçant un contrôle absolu sur des paysans misérables, avertit Shombi Sharp, représentant adjoint du Pnud à Moscou.

La diversification de l'agriculture russe est enfin un enjeu pour les Européens, qui craignent que la priorité donnée par la Russie à la production de céréales ne la fasse se rapprocher du groupe de Cairns (les grands pays exportateurs agricoles), et ne menace la politique agricole commune européenne lors des prochaines négociations de l'Organisation mondiale du Commerce.


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