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Provence La salade française ne fait plus recette

MARSEILLE, 27 mars 2004 - Effarés par les prix "dérisoires" de leur salades depuis le début de l'année, des agriculteurs provençaux ont entrepris de les détruire, pour les remplacer au plus tôt par d'autres productions.

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"Les gens ont besoin des abris pour replanter courgettes ou aubergines. En espérant que ces cultures-là ne se retrouvent pas dans le même marasme!", a expliqué vendredi Bernard Géry, président de la Section nationale salade, regroupant les organisations économiques régionales du secteur.

D'autres préfèrent les couper à la hâte pour les vendre à des "taux de misère" : "J'en ai vendues beaucoup aujourd'hui à 16 centimes d'euros. Plutôt que de tout perdre...", a expliqué Rémy Roux des "Belles salades de France", un groupement de producteurs de Châteaurenard (Bouches-du-Rhône).

A 16 centimes le pied, on est loin du prix de revient, de l'ordre de 25 centimes, en moyenne, selon la profession. "On travaille à perte", commente M. Roux. Loin également du prix de détail payé par le consommateur. La crise a commencé début janvier, au coeur de la saison d'hiver de la salade (novembre-avril), censée être une période faste pour le sud, principal bassin de production de la salade hivernale grâce à son climat.

90% des 450 millions de pieds de salade produits l'hiver proviennent de PACA (60%) et de Languedoc-Roussillon (30%), le reste étant cultivé dans le Sud-Ouest (8%) et l'Ouest (Val-de-Loire, Bretagne : 2%). Hors mâche, poussant essentiellement dans le Val-de-Loire.

"En janvier-février, on a décroché de 0,25 euro le pied par rapport aux prix moyens des deux-trois dernières années sur une même période : par exemple, début février, il était à 33 centimes d'euros contre 56, puis à 37 contre 57", affirme Bernadette Surroca du Bassin Rhône Méditerranée (BRM), regroupant les organisations de producteurs. Or, selon le BRM, cette décote s'est aggravée sur les dernières semaines.

Première incriminée dans ce marasme : la concurrence étrangère, surtout espagnole mais aussi italienne et belge, qui a fortement entamé les exportations françaises. Les Espagnols en particulier, "forts" en scarole, frisée ou iceberg, se sont depuis peu tournés avec succès vers de nouvelles variétés comme les salades rouges, raflant des parts de marché très importantes aux Français.

"Certaines années, on exporte 20 à 25% de notre production sur l'Allemagne, on pourrait bien tomber à 10-15% cette année", soupire Bernard Géry. "Sur un marché concurrentiel difficile, on s'est heurté au problème des coûts de production, avec une main-d'oeuvre plus chère en France", estime Mme Surroca.

"Pis encore" pour les agriculteurs français : les entrées "massives" de marchandises espagnoles sur leur marché hexagonal contribuent à faire chuter les cours. "On va exploser si on reste en concurrence permanente avec des gens qui produisent moins cher", résume Rémy Roux. Quelques dizaines de maraîchers des Bouches-du-Rhône ont déjà "explosé" mercredi, saccageant les rayons fruits et légumes de deux supermarchés d'Istres.

L'amertume est d'autant plus grande que, sur les étals, la salade est de plus en plus chère et se vend moins. "Pour le consommateur, c'est inacceptable. Pour nous aussi! On sait que si le prix est attractif, il achètera", dit Bernard Géry. "On demande une répartition des marges, et pourquoi pas des mesures comme pour le vin où il y a des quotas. Il faut que les pouvoirs publics se penchent sur le dossier. Sinon, on n'y arrivera pas", tranche M. Roux.


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