Une centaine de maraîchers du Vaucluse ont déversé jeudi aux portes de grands surfaces avignonnaises plusieurs tonnes de fruits et de lisier de porc pour protester contre les marges pratiquées par ces commerces. "Avec une crise deux étés sur trois depuis 1996, la filière connaît un problème structurel", déclare à l'AFP Rémy Leprette, directeur général d'Interfel, organisme qui réunit les producteurs de fruits et légumes, les expéditeurs, les coopératives, les grossistes, les distributeurs et les détaillants.
Il y a quelques années, l'ancien président d'Interfel, François Lafitte, un producteur de kiwis du Sud-Ouest, réclamait déjà un "plan de restructuration au niveau européen" avec un plan social pour les producteurs quittant la profession. Les chiffres sont cruels pour les légumiers et les arboriculteurs qui voient leur travail peu remunéré : selon une étude de l'institut TNS Secodip, dont l'AFP a pris connaissance, pour la période du 26 avril au 25 juillet, les quantités achetées par les ménages français ont baissé de 30% pour la pêche-nectarine par rapport à la période 2000-2002, de 38% pour l'abricot, de 3% pour la tomate et ont seulement progressé de +1% pour le melon.
Par contre les prix payés par les consommateurs ont progressé : +33% pour la pêche-nectarine, +26% pour l'abricot, +8% pour le melon et n'ont baissé que de -7% pour la tomate. "L'image des fruits et légumes s'est construite autour d'un prix fort et beaucoup de gens ne regardent même plus les rayons", déplore Pierre Banc, président de la Fédération nationale des producteurs de fruits (FNPF), alors que ces deux secteurs représentent pourtant 11% des dépenses alimentaires.
Pourtant les enseignes de la distribution "ont fait un effort exceptionnel pour aider à l'écoulement des produits et relancer la consommation", a affirmé la FCD, vendredi dans un communiqué. "Les offres dans la grande distribution sont très compétitives et beaucoup plus attractives que dans les autres circuits de distribution", souligne l'organisation.
Les observateurs ont pu en effet constaté des prix, qualifiés de "délirants" par les producteurs, de 7,50 euros le kg de pêches sur la Côte d'Azur ou encore de 5 euros sur des marchés à Carnac et Auray (Morbihan). La situation est aggravée par l'importance des importations (1,6 million de tonnes de légumes, dont 400.000 t de tomates, et 2 MT de fruits dont 1 MT d'agrumes). Les exploitants français ont, pour leur part, produit 4,232 millions de tonnes de fruits et 5,764 millions de tonnes de légumes produits en 2003.
En outre, l'arrivée de dix nouveaux pays dans l'UE et la montée en puissance de l'Allemagne font peur. Le pays voisin s'est ainsi doté de nombreux parcs de serres pour les tomates et bénéficie de la main d'oeuvre polonaise peu chère. Pour mieux sensibiliser le public à leur cause, des producteurs vont organiser une vente promotionnelle de leurs produits, samedi de 7h00 à 12h00 aux pieds de la Tour Eiffel à Paris. "Pour chaque plateau de fruits ou de légumes acheté, nous en offrirons un autre au consommateur", affirme Raymond Girardi, le secrétaire général du Modef (Confédération nationale des syndicats d'exploitants familiaux). |