"Cette année la récolte de cacao de la Côte d'Ivoire va s'élever à 1,45 million de tonnes, soit 45 % du marché mondial (3,1 millions de tonnes). Les productions du Ghana (2ème producteur mondial) et de l'Indonésie tournent pour chacun d'entre eux autour des 500 000 tonnes. Le chemin est donc encore long pour rattraper Abidjan même si la crise n'est pas réglée rapidement", estime le principal négociant français de cacao (150 000 tonnes).
"Evidemment il ne faudrait pas que les fèves pourrissent sur les plants faute d'avoir été récoltées. Mais quand les violences ont éclaté le 6 novembre, la récolte des 600 000 producteurs ivoiriens était pratiquement achevée", a affirmé ce négociant en refusant d'être cité.
"En revanche l'acheminement de cette marchandise vers les ports a été compliqué par le climat d'insécurité mais les choses rentrent peu à peu dans l'ordre", indique ce négociateur "prudent" sur la suite des événements, mais pas "pessimiste" sur le long terme.
Les manifestations ivoiriennes ont toutefois invité à la prudence quelques grands intervenants mondiaux, négociateurs ou transformateurs de cacao.
Dès les premiers coups de feu à Abidjan, le suisse Barry Callebaut, premier fabricant mondial de produits à base de cacao et qui traite à lui seul plus de 51 % de la récolte mondiale, a augmenté ses achats de fèves dans "d'autres pays tels que le Ghana ou l'Indonésie afin de répartir les risques".
Le 10 novembre, la société suisse indiquait qu'elle avait fermé provisoirement ses 3 usines ivoiriennes et qu'elle avait augmenté ses capacités de traitement du cacao en particulier au Ghana.
Depuis bientôt 30 ans, Accra enrage d'avoir perdu en 1977 son titre de premier fournisseur mondial de cacao au profit de la Côte d'Ivoire qui est devenue le principal "broyeur à l'origine" du marché, c'est à dire un pays producteur assurant une première transformation de ses fèves, alors que la plupart des autres pays ont dû limiter leurs ambitions industrielles du fait des handicaps du broyage sur les lieux de production", constate Bruno Losch, expert du cacao au Cirad.
Le Ghana qui va réaliser cette année sa meilleure récolte depuis 40 ans, commercialise par ailleurs chaque année "100 000 tonnes de cacao ivoirien, détournées vers Accra en raison de prix plus attractifs que ceux versés en Côte d'Ivoire. Le rapport peut être quasiment du simple au double!", expliquent les experts du "Cyclope", dans le dernier rapport annuel réalisé sous la direction de Philippe Chalmin.
L'Indonésie avance également ses pions sur le marché du cacao, avec pour ambition de détrôner, en 2010, la Côte d'Ivoire grâce notamment à la multiplication de ses surfaces cacaoyères (700 000 ha actuellement).
"Mais Jakarta aura des difficultés à atteindre cet objectif car ses plantations sont infestées de "foreurs de cabosse", insecte de la famille des miridés capable de détruire en un an 40 % de la récolte", indique un spécialiste du secteur.
Lors des précédentes crises ivoiriennes les cours du cacao avaient flambé, la tonne valant 1 500 livres à Londres et 2 000 dollars à New-York en septembre 2002. Après avoir atteint 1 019 livres sur le marché londonien le 8 novembre dernier, la tonne ne valait plus que 920 livres le 18 novembre. |