"C'est une revendication vieille de dix ans en Pays Basque", explique Michel Berhocoïrigoin, responsable d'ELB et principal artisan de la nouvelle structure.
"Les paysans basques veulent organiser leur propre développement et avoir pour cela entre leurs mains des outils" argumente cet éleveur installé à Gamarthe, près de Saint-Jean-Pied-de-Port.
Pour Michel Berhocoïrigoin une Chambre d'agriculture pour le Pays basque va de soi comme une Chambre de Commerce et d'Industrie, qui existe à Bayonne depuis... 1726.
Le préfet des Pyrénées-Atlantiques, Philippe Grégoire ne l'entend pas ainsi. Il a mis fermement en garde ELB contre la création d'un tel organisme même si ce dernier ne devrait pas au final officiellement porter le nom de Chambre d'agriculture dans le souci d'éviter les procès.
L'appelation qui a été retenue en basque, "Euskal herriko Laborantza Ganbara", signifie pourtant littéralement Chambre d'agriculture du Pays Basque. "Comme l'Etat français ne reconnaît pas la langue basque, cela n'a guère de valeur pour eux", note Michel Berhocoïrigoin, bascophone, avant d'ajouter que de toutes façons ELB ne veut pas s'embarquer dans "une bataille de mots".
Samedi, l'organisme nouveau s'installera à Ainhice Mongelos, village proche de Saint-Jean-Pied-de-Port, dans un ancien hôtel restaurant racheté par la fondation du syndicat ouvrier basque espagnol ELA. Le budget de fonctionnement sera en partie financé par des organisations du Pays Basque espagnol.
Dans sa lettre de mise en garde, le préfet Grégoire souligne qu'il serait inadmissible que la Chambre d'agriculture officielle soit "intentionnellement déstabilisée par une structure parallèle illégale, a fortiori susceptible de fonctionner avec le concours de fonds en provenance de l'étranger".
Un responsable d'ELA rétorque : "C'est un signe de nervosité. Nous ne sommes pas étrangers mais basques et faisons aussi partie de l'Union européenne".
Quant à la légalité, ELB répond au préfet que les statuts de l'organisation, qui prendra la forme juridique d'une association, seront déposés en bonne et due forme après l'assemblée constitutive de samedi.
La naissance de l'organisme dépasse le simple cadre agricole et est vecteur d'une forte charge politique. La création d'une chambre d'agriculture est l'une des revendications historiques du mouvement Batera qui le principal lobby en faveur de la création d'un "département Pays Basque".
Cette "Chambre d'Agriculture bis" a créé de fortes tensions au sein de la fédération socialiste des Pyrénées-Atlantiques : François Maïtia, conseiller général PS de Saint-Jean-Pied-de-Port a déclaré qu'il soutenait l'intiative alors que sa fédération a adopté à une large majorité à une motion pour la condamner.
"Il y a bien d'autres préoccupations que les questions agricoles derrière cette initiative", relève Marcel Mirande, président de la Chambre d'agriculture officielle, dominée par la FDSEA et qui gère depuis Pau un département coupé entre Béarn et Pays Basque.
Le responsable souligne que le gouvernement a déjà entendu le message des paysans basques : il sera prochainement donné le coup d'envoi à deux structures (des Services d'utilité agricole), pour le Béarn et le Pays Basque, sensées répondre plus spécifiquement aux besoins de l'une et l'autre agriculture. |