Vin Offensive sur le prix des vins jurassiens
Emoi chez les viticulteurs du Jura : la vente à prix cassés dans deux chaînes de supermarché, de bouteilles de vin jaune, fleuron du plus petit vignoble français, fait craindre aux producteurs l'effondrement des prix de la filière.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
Lorsqu'ils ont vu les publicités diffusées la semaine dernière par deux poids lourds de la grande distribution dans ses magasins du Grand Est, les vignerons n'en sont pas revenus : du vin jaune à 11,20 euros, contre 20 à 30 euros la bouteille habituellement, une promotion aussi "scandaleuse" ne s'était jamais vue.
"Il arrive qu'on trouve des bouteilles soldées à 15 euros mais à un tel prix, jamais. C'est rigoureusement impossible compte tenu du coût de production élevé de ce vin et c'est inadmissible car désastreux pour l'image du produit", s'indigne Alain Baud, président de la société de viticulture du Jura.
Le vin jaune tire sa réputation d'une vinification particulièrement complexe et incertaine : à l'issue d'un élevage de six ans et trois mois en fût de chêne pour acquérir son goût caractéristique de noix et de curry, les taux de réussite des viticulteurs se situent entre 60 et 90%.
Et s'il ne représente qu'un petit pourcentage d'une production jurassienne de 85.000 hectolitres annuels en moyenne, c'est le produit phare du vignoble dont la chute entraînerait, assurent les viticulteurs, une dégringolade des prix de tous les vins de la gamme.
Face à ce qu'elle n'hésite pas à qualifier de séisme dans un vignoble plutôt épargné par la crise du secteur viticole, la profession stigmatise moins l'attitude des grandes surfaces que celle du négociant, la Compagnie des Grands Vins du Jura (CGVJ), qu'elle accuse de "dumping" sur les prix de son vin jaune.
Installée à Crançot, près de Lons-le-Saunier, la CGVJ, filiale du groupe alsacien Les Grands Chaix de France, pèse 10% de la surface du vignoble jurassien, produit 1,2 million de bouteilles de vins du Jura, dont l'essentiel issues de la vinification de raisins achetés aux viticulteurs locaux.
Serge Fleischer, son directeur, justifie l'opération commerciale menée sur 8.000 bouteilles en huit jours et la qualifie de "vraie réussite": "On veut que le gens arrêtent de rêver de ce vin jaune au-dessus de leurs moyens et le consomment enfin. La vraie valeur d'un produit, c'est de le vendre, pas de regarder ses stocks grandir d'année en année".
S'il admet que la taille de son entreprise lui permet de réaliser des économies d'échelle et de produire à plus faible coût qu'un viticulteur indépendant, le directeur de la CGVJ n'hésite pas à malmener la légende liant le coût élevé du vin jaune à son long et difficile élevage.
"Ceux qui disent que leur prix de revient ne permet pas de sortir ce vin à moins de 15 euros exagèrent volontairement", affirme-t-il, soulignant que les vins proposés aux supermarchés, parmi lesquels du Château-Châlon 98, ont tous reçu des récompenses attestant de leur qualité.
Pour la Compagnie des Grands Vins (10 millions d'euros de CA en 2004), cette opération de promotion ne semble constituer qu'un prélude à une offensive plus vaste sur les prix des vins du Jura, son directeur jugeant "incontournable" une baisse des tarifs des "produits phares du vignoble".
Pour accéder à l'ensembles nos offres :