Environnement Un grand cru alsacien, champ de bataille entre viticulteurs et écologistes
L'un des crus d'Alsace les plus prestigieux, le Rangen de Thann (Haut-Rhin), se retrouve au coeur d'un conflit entre partisans du développement de la viticulture et défenseurs de l'environnement.
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Le dossier, présenté à la presse mercredi à Thann par l'association Alsace Nature, est "exemplaire pour tout le vignoble alsacien", selon les écologistes. Le litige porte sur des travaux commencés il y a un an pour préparer la mise en culture d'une parcelle de 32 ares, propriété de la ville de Thann, louée à un viticulteur et classée AOC (appellation d'origine contrôlée).
Selon Alsace Nature, cette parcelle aurait dû être déclassée par l'INAO (Institut national des appellations d'origine) car des gravats "indubitablement extérieurs au milieu rocheux concerné et probablement en provenance d'un chantier de démolition" y ont été amenés "pour la rendre cultivable". Dans ces conditions, "le maintien du classement surprend et porte atteinte à la crédibilité de ce grand cru", estime Philippe Lacoumette, président d'Alsace Nature dans le Haut-Rhin.
Selon un professionnel de la viticulture contacté par l'AFP, l'origine extérieure ne serait cependant "pas complètement établie" car les matériaux pourraient provenir du bas du coteau du Rangen.
Par ailleurs, le défrichement de la chênaie, qui occupait la parcelle avant travaux, de même que la construction d'un chemin d'accès ont été préjudiciables à plusieurs espèces protégées comme le lézard vert, la coronelle lisse ou la fraxinelle, fait valoir Alsace Nature. "Aucune étude d'impact n'a été effectuée. Nous avons demandé au préfet du Haut-Rhin --par lettre du 27 janvier 2005 dont l'AFP a obtenu copie-- si une autorisation de défrichement a été donnée, nous attendons toujours une réponse", poursuit Philippe Lacoumette. Cette autorisation serait nécessaire, "car nous sommes en présence d'une forêt", selon lui.
Cette parcelle "n'a jamais été considérée comme un espace boisé", rétorque le maire de Thann Jean-Pierre Baeumler, dans un courrier du 3 mars dernier à Alsace Nature, dont l'AFP a pris connaissance. Selon M. Baeumler, les défrichements se bornent à faire revenir la parcelle à son affectation d'origine qui est la viticulture et qui remonte à 1272. "La parcelle entre dans le périmètre AOC. Il n'y a donc pas d'extension du vignoble", fait valoir M. Baeumler dans son courrier. La disparition des vignes au fil du temps ne remet pas en cause la vocation d'origine, argue-t-il. Pour Alsace Nature, le conflit au Rangen constitue un "cas d'école" représentatif de tout le vignoble régional :
"La préservation du patrimoine naturel continue à rencontrer beaucoup de difficultés pour s'imposer face aux intérêts locaux et corporatistes", dénonce l'association, qui cite une progression de "60 hectares par an" des vignes en Alsace, sur la base des suivis de l'université Louis-Pasteur de Strasbourg. La profession a, quant à elle, rappelé à plusieurs reprises qu'elle perd "à d'autres endroits d'importantes superficies chaque année, du fait de l'urbanisation et des chantiers d'infrastructure".
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