Multifonctionnalité Les magasins à la ferme font recette
Mis sous pression par la faiblesse des prix agricoles, de plus en plus d'exploitants se diversifient dans la vente directe au consommateur pour assurer leur survie, au point de faire de l'ombre à la grande distribution.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
Vente directe de fraises, de tomates ou de viandes à la ferme, livraison de produits bio à domicile, magasins paysans... Les panneaux invitant les consommateurs à un détour à la ferme pullulent sur les bords des routes. "Tout cela se développe, il y a énormément d'initiatives", note Jean-Luc Perrot, économiste à la Chambre d'agriculture de Bretagne. "Il y a une telle pression aujourd'hui sur les prix dans les filières classiques que des producteurs cherchent des alternatives pour assurer leur survie", explique-t-il.
Selon lui "le contexte est favorable", car les consommateurs ont tendance à délaisser la grande distribution traditionnelle pour des magasins qui répondent mieux à des besoins individuels de plus en plus divers. Les agriculteurs peuvent notamment profiter de l'engouement des consommateurs pour des produits locaux ou régionaux, dont l'origine est garantie, après les scandales sanitaires de ces dernières années. Ils peuvent aussi offrir des services sur mesure, grâce à la connaissance au plus près de leurs clients.
Certains agriculteurs vont jusqu'à créer leur propre enseigne pour distribuer leurs produits. La coopérative de paysans "Brin d'herbe", créée en 1992 sur le créneau des produits bio, compte ainsi deux magasins en banlieue rennaise, avec un succès grandissant. "Notre chiffre d'affaires augmente de 5% à 10% chaque année depuis trois ans", indique Pierre-Yves Govin, éleveur de porcs biologiques près de Rennes et adhérent "Brin d'herbe": "C'est une réussite. La coopérative dispose d'une clientèle fidèle et fait vivre une vingtaine de familles d'agriculteurs". "Depuis quelques années, nous avons de plus en plus de visites d'agriculteurs bio qui viennent se renseigner pour leur propre projet de magasins à la ferme", indique M. Govin.
Le concept a d'ailleurs déjà inspiré une enseigne concurrente "Douz'arômes", qui a ouvert une boutique à Betton, près de Rennes. Signe que la diversification dans le commerce est d'actualité dans le monde paysan, le thème sera abordé lors du prochain salon de l'élevage SPACE, qui se tiendra du 13 au 16 septembre dans la capitale bretonne. Des experts seront notamment présents pour conseiller les agriculteurs dans leurs projets. Pour M. Govin, l'attrait pour les magasins à la ferme est "un phénomène de fond, pas un effet de mode".
Selon lui, les gens "en ont assez de voir les paysages qui se dégradent, la cohésion sociale qui se dégrade, ils veulent donner une autre direction à la société". Mais ils ont aussi "des exigences en termes de diversité de produits, de prix, d'accueil, ils réclament du professionnalisme", souligne l'éleveur. Pour le producteur, l'intérêt est d'arrondir les fins de mois. "L'enjeu, est de créer de la valeur, à volume d'activité équivalent", souligne M. Perrot. Mais "ce n'est pas une recette miracle, il y aura des échecs, la principale difficulté étant que les paysans ne sont pas formés à la vente et tous n'ont pas le sens inné du commerce", avertit l'économiste. Selon lui, le phénomène est observé de près par la grande distribution, qui réagit déjà en se réappropriant le thème du terroir et de la proximité.
Pour accéder à l'ensembles nos offres :