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Crise viticole Campagne pour l'arrachage et la distillation dans le vignoble bordelais

"C'est difficile à admettre mais il faut arracher et distiller". Jean-François Bertran de Balanda, président de l'Office national interprofessionnel des vins (Onivins), s'efforce de convaincre les viticulteurs du bien-fondé du "plan Bordeaux" lancé pour tenter de juguler la crise liée à la surproduction.

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Missi dominici de circonstance, des responsables de l'Onivins, du Conseil interprofessionnel des vins de Bordeaux (CIVB) ou de la Chambre d'agriculture de la Gironde visitent comme lui, depuis le début de la semaine, les foyers ruraux et les salles de fêtes municipales pour vanter le dispositif adopté en février dernier, approuvé depuis par Paris puis Bruxelles et négocié enfin avec les banquiers.

L'objectif à terme est d'arracher 8.000 à 10.000 ha de vigne, soit environ 8% du vignoble bordelais, et de distiller 1,5 million d'hectolitres (Mhl) d'appellation d'origine contrôlée (AOC). Deux années de mévente et une récolte-record en 2004 ont entraîné des surstocks d'au moins 1,5 million d'hl et une chute des prix du vin en vrac. Parallèlement, les expéditions de vins de Bordeaux chutaient de 22,3% en valeur en 2004, en raison de la parité défavorable euro/dollar et de la concurrence des vins du Nouveau Monde.

Les mesures d'arrachage et de distillation sont "difficiles à admettre", reconnaît M. de Balanda, venu cette semaine à la rencontre des viticulteurs de l'Entre-deux-Mer. Mais, selon lui, "si Bordeaux ne distille pas et garde ses excédents importants, les répercussions en seront ressenties sur les autres régions viticoles et il y aura une glissade générale des prix".

Mercredi matin à Grezillac (Gironde), quelque 200 vignerons s'étaient déplacés pour écouter ces arguments. Convaincus de l'urgence à sortir de la crise, la plupart sont cependant réticents face des mesures jugées "contre-nature", que certains considèrent même comme une forme de "sabordage", eux qui n'ont jusqu'alors cessé de planter et d'augmenter leur production. D'où, selon M. de Balanda, la nécessité d'apporter des précisions sur le terrain. "Les gens viennent se renseigner parce qu'ils ont des soucis", souligne-t-il.

De fait, près d'un millier de viticulteurs bordelais (sur environ 10.000) ont déjà demandé une aide de trésorerie à cause de leurs difficultés financières. "Ces propositions ne sont pas satisfaisantes, mais nous ne pouvons pas passer au travers", souligne un des producteurs présents à la réunion de Grézillac. "Si cela doit pérenniser le métier, je suis d'accord. Mais je crains que les petites appellations ne soient sacrifiées. On va arracher dans les Bordeaux pour planter dans les grands crus et nous serons la poubelle des plus riches", commente pour sa part Olivier Goujon, viticulteur à Fronsac.

Evoquant "la déstabilisation totale du marché", ce producteur installé depuis 1989 sur une propriété familiale exploitée depuis trois générations réclame "la participation des grands crus" à la campagne de sauvetage. Lui-même a déjà pâti du ralentissement des ventes et a dû "licencier un chauffeur et une secrétaire" sur un effectif de base total de six employés. Il participera au "plan Bordeaux" mais reste sceptique quand à l'avenir, peu confiant dans "le négoce à la botte des grandes surfaces qui ne jouent pas le jeu".

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