Grippe aviaire La santé du monde à la merci de défaillances locales
La brutale découverte de multiples foyers de grippe aviaire en Turquie révèle la fragilité d'un équilibre sanitaire international à la merci de défaillances locales.
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"Il suffit qu'un pays ne soit pas en mesure de détecter rapidement une maladie comme l'influenza (aviaire) pour qu'elle menace le reste de la planète", soulignait jeudi à Paris le directeur de l'Organisation mondiale de la santé animale (OIE), Bernard Vallat, interrogé par l'AFP. Il a fallu en Turquie que trois enfants meurent de la grippe aviaire, venue d'Asie avec les oiseaux migrateurs, pour que soit révélée une explosion des foyers d'infection en Anatolie, la région pauvre de l'est du pays. Deux semaines à peine après les premiers décès humains dans un village turc alors que le virus avait officiellement été déclaré éradiqué dans le pays, l'organisation de l'Onu pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) mettait en garde contre le risque pour les pays frontaliers. "Le virus hautement pathogène H5N1 pourrait devenir endémique en Turquie et menacer les pays voisins", avertissait mercredi à Rome la FAO, qui a dépêché une équipe sur place pour aider les autorités turques à maîtriser le virus.
Les experts internationaux s'accordent, sous couvert de l'anonymat, pour dénoncer la carence de l'administration en Anatolie, où le virus a pu proliférer sans susciter la moindre réaction des autorités sanitaires.. Un foyer d'infection dans l'ouest, détecté en novembre, avait en revanche été rapidement détecté et bloqué. Le manque d'information des paysans sur la nature de la maladie et les mesures de protection, la méfiance à l'égard de l'Etat concernant les dédommagements pour l'abattage de la volaille, les réseaux officiels déficients, sont communs aux pays où la maladie est devenue endémique. Tout cela, s'ajoutant à l'isolement des villages dans la neige hivernale, a contribué à ce que le virus se répande de ferme en ferme et de marché en marché. "Lorsque l'alerte a été donnée, relève le Dr Vallat, il était trop tard". "Il faut agir sous 48 heures quand un foyer se déclenche", note le vétérinaire. "Passé ce délai, la diffusion du virus est exponentielle". C'est pourquoi la mise en place de réseaux de détection et d'intervention rapides fait partie des priorités du plan d'action mondial contre la grippe aviaire, dont le financement sera discuté la semaine prochaine à Pékin.
L'Onu appelle à débloquer un total de 1,5 milliard de dollars. Mais, une fois que l'argent sera disponible, encore faut-il qu'il soit correctement investi par les pays concernés, remarquait jeudi une source proche des discussions. Le député français Jean-Marie Le Guen, président de la mission parlementaire d'information sur la grippe aviaire, dénonce sans les nommer "certains pays" où le réseau sanitaire n'est "pas à la hauteur de ce qu'on pourrait attendre compte tenu de leur niveau de développement". "C'est une question de choix politique", selon M. Le Guen, qui appelait mercredi la France à réclamer un "droit d'ingérence sanitaire" pour les organisations internationales responsables, notamment l'Organisation mondiale de la santé (OMS), chargée de la santé humaine. Un "règlement sanitaire international", adopté par l'OMS en mai 2005, doit être évoqué à la conférence de Pékin, ainsi que l'application des normes vétérinaires de l'OIE. Mais il n'existe aucun mécanisme international contraignant que puissent invoquer les organismes garants de la santé animale et humaine dans le monde. Reste l'accès au marché mondial, pour les exportateurs de volailles et de produits dérivés, soumis au respect des règles de l'OIE. Et, pour certains pays, la pression politique des voisins inquiets...
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