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OGM Un débat passionné qui divise jusqu'à la communauté scientifique

Les organismes génétiquement modifiés, ces OGM dont la France va encadrer l'expérimentation et la culture, suscitent un débat passionné entre scientifiques sur les risques pris en manipulant le vivant, au nom de l'évolution pour certains, de l'intérêt économique pour d'autres.

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Les chercheurs appellent à prendre du recul pour évaluer les conséquences, positives ou négatives, de l'exploitation de ces organismes transgéniques. Mais ils sont divisés sur la nature des risques à évaluer. En combinant le patrimoine génétique d'espèces parfois très différentes (un gène animal, par exemple, peut être introduit dans l'ADN d'une plante), le génie génétique "bouscule les repères", estime le comité d'éthique commun de l'Inra et de l'Ifremer, les instituts de recherche appliquée pour l'agriculture et le milieu marin.

Les biologistes doivent prendre en compte "la possibilité d'effets inconnus, hors du champ des hypothèses que les connaissances théoriques du moment sont à même de formuler", souligne le comité dans un rapport. Cela "engage la responsabilité des scientifiques" qui doivent "permettre l'appréciation par la collectivité des changements" que leurs travaux engagent. Une tâche difficile, compte tenu des incertitudes inhérentes à l'innovation, mais aussi des différences d'interprétation des études elles-mêmes.

Un seul point fait l'unanimité des scientifiques : "Les variétés transgéniques ne peuvent être exploitées selon les seules lois du marché", avertit Guy Riba, directeur général délégué de l'Inra. "Sinon nous allons à la catastrophe". Pour M. Riba, il appartient à la recherche publique de récolter le plus possible de données afin de produire une "analyse neutre" et ne pas laisser le champ libre à un secteur privé à la fois "juge et partie". "Cela veut dire que les chercheurs doivent être encouragés à mener ces recherches", estime le responsable, chargé des programmes et de l'évaluation scientifique à l'Inra.

Car les essais sur les OGM financés par la recherche publique se sont réduits comme peau de chagrin depuis quelques années, sous l'effet de l'opposition de principe de 60% des Français (Eurobaromètre, juin 2005) et de l'action des "faucheurs", ces militants qui détruisent les essais en champs. Selon M. Riba, ce n'est qu'avec de tels essais, sur des surfaces "significatives" et à long terme, que l'on peut évaluer l'impact des OGM sur l'environnement : contamination d'espèces apparentées, rôle des insectes pollinisateurs, apparition chez les parasites de résistances aux toxines secrétées par les plantes modifiées, dosage approprié des herbicides dans les cultures de plantes rendues tolérantes, etc...

L'urgence n'est pas là mais en amont, dans l'estimation des dangers pour la santé humaine, rétorque Gilles-Eric Séralini, professeur de biologie moléculaire à l'Université de Caen et président du conseil scientifique du Crii-Gen, le Comité de recherche et d'information indépendante sur le génie génétique. Selon le dernier bilan de l'Isaaa (International service for the acquisition of agri-biotech applications), 99,9% des plantes OGM commercialisées dans le monde sont des plantes tolérantes à un ou plusieurs herbicides, produisant elles-mêmes une toxine insecticide, voire cumulant les deux caractéristiques. Or, souligne M. Séralini, différentes études ont montré que les OGM "herbicides" métabolisent le désherbant, générant des "résidus d'un type nouveau".

Quant aux plantes "insecticides", elles sécrètent une toxine modifiée qui devrait selon lui "faire l'objet d'une homologation spécifique". Mais les OGM sont exemptés de tests de toxicologie, longs et coûteux, avant leur mise sur le marché. Rien n'est donc connu des éventuels "effets perturbateurs" classiquement imputés aux pesticides, relève le professeur: cancers, perturbations du système reproducteur ou immunitaire, voire diabète...

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