Pascal Lamy L'OMC a quarante jours pour éviter un échec coûteux
Les trois grands acteurs du cycle de Doha, Union Européenne, Etats-Unis et G20 des pays émergents, savent qu'ils doivent bouger pour éviter fin avril à Genève un échec aux graves conséquences économiques et politiques, a affirmé jeudi à Bruxelles le directeur général de l'OMC Pascal Lamy.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
"Nous approchons le moment de vérité et ce moment se situe fin avril", a averti M. Lamy, devant la commission du commerce international du Parlement européen. Les 150 pays membres de l'OMC, qui ont eux-mêmes fixé cette date du 30 avril lors de leur conférence ministérielle à Hong Kong, "savent que si cette échéance n'est pas respectée, les chances de conclure le cycle seront beaucoup plus faibles", a-t-il précisé dans une conférence de presse. "Le succès ou l'échec du cycle se décide dans les 40 jours", a-t-il insisté.
Contrairement aux précédents cycles, la technique particulière de cette négociation sur la baisse des droits de douane fait qu'il sera impossible d'attendre la dernière heure pour un marchandage généralisé, explique le directeur général. "Cette fois-ci, nous avons un col à franchir, le plus ardu, à la fin avril. Pour le franchir, il faut que les trois grands acteurs bougent sur chacun des trois grands sujets.
Les Etats-Unis doivent bouger sur les soutiens internes agricoles, l'UE doit bouger sur les droits de douane agricoles et le G20 doit bouger sur les tarifs douaniers industriels", a-t-il ajouté. "Il ne s'agit pas d'architecture (de la négociation), de paramètres ou d'intentions, mais de chiffres, trois chiffres, débattus entre les trois côtés d'un triangle", a précisé M. Lamy. "J'espère que ce triangle ne sera pas celui des Bermudes", a-t-il lancé. En particulier, "les négociateurs européens savent que l'offre agricole du 28 octobre devra être améliorée pour parvenir à un accord", a indiqué M. Lamy aux parlementaires européens.
Et ceci concerne notamment le pourcentage de produits agricoles que l'UE veut classer comme sensibles, dans une proportion (8%) jugée inacceptable par le Brésil. Que cela plaise ou non aux Européens, "l'agriculture a été et reste au centre des négociations", parce qu'elle est en retard "de plusieurs cycles" sur les autres domaines, notamment les tarifs industriels, et "parce que 70% des pauvres sur cette planète vivent dans des zones rurales", a-t-il argumenté. Pascal Lamy a rappelé que l'OMC était une organisation pilotée par ses membres, dans laquelle le directeur général n'a aucun droit d'initiative. "Je n'ai pas en poche une combinaison secrète que j'attendrais de mettre sur la table", a-t-il dit.
Dix Etats membres de l'OMC testent actuellement sur de puissants ordinateurs des simulations complexes, impliquant des milliers de lignes tarifaires, pour mesurer précisément quels seraient leurs gains et leurs concessions en accès réel au marché. "Il y des combinaisons qui collent et permettent d'arriver à un accord, d'autres qui ne collent pas", a dit M. Lamy, en ajoutant qu'il donnait son opinion aux Etats membres lorsque ceux-ci le souhaitaient. De sa visite récente au Congrès des Etats-Unis, M. Lamy est revenu avec la conviction que les parlementaires américains ne renouvelleront pas l'autorisation donnée à la Maison Blanche de négocier le cycle en bloc.
Au-delà de juin 2007, la ratification d'un accord par les Etats-Unis deviendrait pratiquement impossible, ce qui impose un accord à l'OMC fin 2006, a-t-il assuré. "Les perdants d'un échec seraient les pays en développement", puisque le cycle de Doha a pour ambition de corriger les déséquilibres, souvent un héritage de l'époque coloniale, existant dans le système multilatéral, a expliqué Pascal Lamy. "L'échec serait coûteux en croissance pour tout le monde et constituerait un revers diplomatique pour ceux, et j'y compte l'UE, qui souhaitent un monde plus multilatéral et mieux régulé", a-t-il dit.
Pour accéder à l'ensembles nos offres :